En cette année du cinquantenaire des explosions atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, le sentiment dominant, avivé par la reprise des essais nucléaires français, privilégie l'aspect épouvantable, incommensurable du phénomène. Celui tant de fois exprimé par les scientifiques naguère directement associés au Manhattan Project de guerre, qui fut brutalement formulé en avril 1946 par « une personnalité scientifique » travaillant au service des Etats-Unis aux Pays-Bas sur « le cyclotron de 250 tonnes » installé chez Philips à Eindhoven, en réponse à la question d'un agent français de renseignement : « Comment voyez-vous l'avenir atomique ? ». « La fin du monde, sans phrase ni parole »1.

Beaucoup plus que sur cette dimension, c'est sur la fonction de la bombe comme reflet des ambitions américaines d'hégémonie mondiale que les archives de l'après-Hiroshima mettent l'accent: autrement dit, sur le fond de cette grande question du « siècle américain » au moins autant que sur sa forme atomique nouvelle. Nous traiterons ici de la perception française du sujet entre la fin de la guerre et les débuts de l'ère coréenne, d'autant plus intéressante que la France, puissance moyenne, très affaiblie, sortit de la période de guerre à la fois en allié politique et en concurrent nucléaire des Etats-Unis. Loin de se borner à l'obsession idéologique apparente de l'URSS, la compétition atomique, aux dimensions économiques prépondérantes, entre les Etats-Unis et les pays susceptibles de jouer un rôle notable dans ce domaine, secrètement ou ouvertement hostiles à leur monopole, nous semble offrir des pistes de recherche fertiles, qui remettent en question les bornes chronologiques « classiques » de la guerre froide.

HIROSHIMA, SYMBOLE D'UNE PUISSANCE AMÉRICAINE ÉCRASANTE

A la mi-juillet 1945, une dépêche du diplomate de Hauteclocque, en poste à Ottawa - reçue seulement le 10 août, soit au lendemain de la seconde explosion -, apprit à Paris que Washington disposerait très bientôt d'une arme d'« une puissance de destruction (...) considérable et susceptible d'apporter une destruction complète dans un temps minimum, sur une très grande étendue de territoire ». Disposant près du lac canadien des Esclaves (district de Mackenzie) de l'uranium comme matière première d'une « bombe dite atomique », objet de « recherches très poussées au Canada », et après avoir effectué de récents essais dans l'Arkansas, « le gouvernement des Etats-Unis envisagerait d'adresser un ultimatum au gouvernement japonais, l'avertissant de l'usage prochain de cette nouvelle arme si les forces armées nippones ne capitulaient pas sans condition »2. Les semaines suivantes confirmèrent ces nouvelles qui valurent à ces « renseignements de bonne source » les félicitations de la Direction politique du Quai d'Orsay à la mission diplomatique au Canada3.

De Washington, l'ambassadeur dressa le 11 août 1945 le constat suivant sur cette manifestation de toute-puissance funeste aux grands principes de cogestion du monde par les vainqueurs de l'Axe. « L'efficacité de la bombe atomique confirmée conduit aux remarques suivantes:

1° Ce sont les espoirs fondés en haut lieu sur une paix rapide grâce à cette bombe qui sont vraisemblablement à l'origine des difficultés rencontrées et du délai dans la participation française à la guerre du Pacifique.

2° C'est probablement à cette arme que M. Winston Churchill pensait quand il disait à Québec en 1943 : « L'ordre mondial nouveau sera anglo-saxon et imposé avant tout par la formidable puissance militaire anglo-saxonne ».

3° La presse se fait l'écho de « certaines inquiétudes d'opinion (...) en annonçant d'une part que les Etats-Unis détiennent 82% de l'uranium mondial, d'autre part que les radiations secondaires ne sont pas destructrices de la vie pendant des dizaines d'années, 75 ans après l'explosion »;

4° « l'existence de la bombe rend périmées et caduques certaines dispositions prévues à Potsdam et nécessite une nouvelle réunion des « trois grands », ce qui semble indiquer le désir de reprendre avec de plus forts arguments, certains points de vue américains »4.

On se répéterait inutilement en multipliant les citations des textes affirmant la revendication américaine d'hégémonie via l'arme détenue par la « puissance navale et aérienne la plus forte du monde » et qui « survalorise la maîtrise des mers et l'action aérienne »5. C'est sur ce terrain que se situèrent la plupart des analyses, réduisant à une exception la prise en considération des aspects humains. On ne la trouve guère que dans le rapport que l'attaché à l'ambassade à Washington Francis Lacoste adressa à Paris, peu après la visite à Hiroshima - le 27 janvier 1946 - de la Commission Consultative d'Extrême-Orient au Japon. Le texte démentait les propos officiels optimistes, résumés par le général Farrell qui, « envoyé sur place (...) onze jours après l'explosion », avait déclaré que « les radiations à Hiroshima ne devaient pas dépasser le degré de tolérance moyen d'un être humain »6 : « les documents publiés sur les effets de l'explosion de la bombe atomique sont très incomplets », et donnent une image infidèle du « ravage stupéfiant » des « destructions » matérielles et humaines par une « explosion qui fut d'une violence extrême », et dont « le choc fut ressenti jusqu'à (...) 400 km » du point d'impact. Lacoste exposait aussi les « discussions de l'opportunité de la bombe d'Hiroshima » parmi les chefs militaires : « de l'avis du Commandant en chef des Forces américaines dans le Pacifique, la victoire des Etats-Unis sur le Japon était déjà certaine au moment où la première bombe atomique a été lancée »; il s'agissait seulement « de donner au Gouvernement et au Commandement nippon (sic) l'argument irréfutable dont ils avaient besoin pour faire comprendre au peuple japonais, presque complètement ignorant de la situation, et nullement préparé moralement à en admettre les conséquences, que la défaite était inévitable ». Certains avaient prétendu éviter « des pertes énormes » à l'occasion d'un éventuel débarquement américain »; mais d'autres stigmatisaient ce « crime de guerre contre le Japon, d'une atrocité proportionnelle à l'ampleur du désastre, crime infiniment plus grave encore contre l'humanité, en raison de l'insécurité permanente qu'il a introduite, et des perspectives effrayantes pour l'avenir de la planète qu'a ouvertes l'emploi de cette arme », qui « n'a été qu'un premier essai, et dont les possibilités de développement apparaissent sans limites ». Ce crime « est actuellement censuré mais reviendra un jour (...) peut-être »7.

LA BOMBE, LES ETATS-UNIS ET L'URSS: MENACE SOVIÉTIQUE OU PROVOCATION AMÉRICAINE ?

LE SENS POLITIQUE DES EXPLOSIONS ATOMIQUES D'AOUT 1945

La thèse pionnière de Gar Alperovitz, admise après avoir soulevé des flots de polémique et confirmée par maints travaux ultérieurs, a souligné les motivations antisoviétiques des explosions atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki8. L'intérêt des archives françaises consiste donc en partie à montrer que Paris fut précocement et parfaitement informé de la réalité - et pas seulement des justificatifs idéologiques antirouges - de la « diplomatie atomique » de Washington envers Moscou.

Comme les autres capitales d'ailleurs, puisque nulle chancellerie ne semble avoir ignoré qu'il s'agissait avant tout d'intimider l'URSS: ainsi à Athènes, où les élites traditionnelles réinstallées par les Anglais songeaient à leur propre avenir occidental plus américain que britannique, se réjouit-on au lendemain des explosions du « déplacement de force que le monopole de la bombe atomique et l'issue de la guerre du Pacifique paraissent opérer (...). On compte que l'Amérique usera de sa puissance dans un sens de justice et de bienveillance envers les petites puissances. Les menaces du slavisme paraissent atténuées d'autant »9. Le renseignement français obtint de « l'Ambassade des Soviets » une réaction immédiate conforme au flegme, au moins apparent, de Molotov face aux Américains10, mais à l'évidence mêlée d'inquiétude: « à l'Ambassade des Soviets, on conteste l'efficacité de la bombe atomique et on attribue au « bluff » américain une partie de l'effet moral qu'elle a produit dans le monde. On ajoute que l'URSS possède également des armes secrètes dont l'effondrement de l'Allemagne suspendit l'utilisation ».

« On fait remarquer trois faits :

1) II y a plusieurs années que les laboratoires soviétiques travaillent à la découverte de la libération de l'énergie atomique et que l'avance prise par les USA (sic) ne saurait être que très provisoire ;

2) Qu'il existe en URSS de vastes champs d'uranium »;

3) Moscou disposait aussi d'« armes secrètes mises au point à fin 43 (sic) et dont la fabrication commença en 1943 », mais qui ne furent pas utilisées parce que « devant la défaite allemande, le besoin ne s'en fit pas sentir et que (...) Staline devait pouvoir éventuellement compenser l'affaiblissement partiel du pays, à la suite de ses pertes de guerre, par un renforcement scientifique du potentiel de l'armée Rouge »; selon des rapports parvenus d'« Extrême-Orient, il y a une grande part de « bluff américain » dans les descriptions des effets terrifiants de la bombe atomique.

L'étendue des dégâts matériels n'est pas niée, mais leur importance du point de vue humain et sur le plan de l'anéantissement du potentiel militaire de l'ennemi a été extrêmement exagérée.

La superstructure d'Hiroshima a subi des ravages comparables à ceux des villes allemandes. Mais on constate que la bombe atomique laisse intact (sic) toute l'infrastructure en dehors d'un certain rayon de point de chute. Dès lors, au point de vue des leçons militaires de cette guerre, la découverte de la bombe atomique ne révolutionnerait pas les enseignements essentiels de la défense souterraine, jointe à une armée pouvant se déplacer et se ravitailler par ses propres moyens. Par contre, c'est une arme qui est surtout destructive pour la population civile et là est la caractéristique de son utilisation par les USA. Le développement des conceptions militaire des pays capitalistes vise de moins en moins à l'anéantissement de l'armée ennemie, qu'à (sic) la destruction de la population et de ses biens.

Dans la prochaine guerre, les pays n'ayant pas une superficie considérable, des points d'appui, des bases, des villes, des réserves, des centres industriels et miniers dispersés et indépendants, n'auront même pas la possibilité de se défendre »11.

SECRET ET PLANS DE « GUERRE PRÉVENTIVE CONTRE LES SOVIETS » : IDÉOLOGIE ET RÉALITÉ

Dans les mois qui suivirent, se déploya aux Etat-Unis une active campagne sur la nécessité de se prémunir contre le péril russe par un rigoureux secret atomique12. En octobre 1945, les Soviétiques de l'ambassade à Paris dressèrent des pratiques américaines et de leur propre faiblesse, notamment sur le terrain de l'idéologie, un tableau ironique et lucide à l'attention des Français. La nouvelle d'une bombe atomique soviétique venait d'être depuis Londres « lancée par [la] presse Hearst pour connaître l'exactitude de la position soviétique » sur la question: « L'attitude antisoviétique de ce trust est assez connue pour ne pas en dire plus. Il s'agit d'une manoeuvre qui a pour but à la fois de savoir si nos recherches sur la désintégration atomique ont abouti et de parer d'avance à une demande soviétique de divulgation du secret détenu par Washington. Si nous faisions la sottise de démentir cette nouvelle, nous donnerions une indication au département de la guerre américain. Si, au contraire, nous ne démentons pas, la presse américaine peut dire à ses lecteurs : vous voyez bien que les Soviets n'ont pas besoin que nous leur livrions notre secret. C'est ce qu'aux échecs on appelle une fourchette : on gagne quelle que soit la réaction de l'adversaire.

Cela ne signifie nullement que la nouvelle soit fausse a priori. Si les Américains s'occupent de nos recherches c'est qu'elles sont certainement en bonne voie. Mais si des gens doivent savoir cette nouvelle en dehors du « Politburo » et des techniciens intéressés, je pense qu'à l'Ambassade nous en serions plus rapidement informés qu'à la succursale Hearst de Londres.

Un savant américain, M. Langmur, a déclaré récemment que l'URSS distancerait les USA dans l'utilisation de la bombe atomique. Rapprochez cette opinion qui a fait sensation en Amérique avec la manoeuvre de Hearst et vous aurez la clé de l'affaire »13.

L'argument martelé du secret indispensable fut d'usage essentiellement sinon exclusivement idéologique, tant les milieux informés étaient assurés de l'imminence des découvertes décisives dans tous les pays dotés d'un appareil scientifique important. Au tournant de 1945, l'idée « que les Etats-Unis ne jouiront pas longtemps du monopole de la bombe atomique » dominait les cercles bien informés d'Europe. On n'ignorait pas grand chose des activités soviétiques en Tchécoslovaquie (dans la seule mine d'uranium d'Europe, à Jachymov, gardée par soldats tchécoslovaques, « plus de 200 ouvriers travaillent (...) sous la surveillance du personnel tchécoslovaque et la direction de 60 savants soviétiques »; le minerai est envoyé à Dresde, « la main-d'oeuvre employée augmente constamment »)14. Il en allait de même Outre-Atlantique15. Choqués ou indignés par le May Johnson Bill, qui prétendait ériger la recherche atomique en chasse gardée américaine protégée contre tout ennemi présumé, les savants américains affirmaient à l'automne 1945 « que la politique du secret ne peut qu'exciter les méfiances de l'URSS et provoquer une course aux armements, sans assurer la défense des Etats-Unis, car les connaissances en matière de physique atomique sont assez répandues parmi les savants du monde entier pour que des pays ayant une forte industrie puissent parvenir dans un délai de 5 ou 6 ans tout au plus à fabriquer les nouveaux engins. C'est l'opinion des savants les plus connus parmi ceux qui ont collaboré au « Manhattan district project » ». Ainsi le Dr Szilard avait-il devant la commission parlementaire des affaires militaires « souligné l'activité des Russes et rappelé qu'ils avaient demandé que la production d'uranium en Tchécoslovaquie fût triplée ».

La colère des scientifiques contre les manoeuvres de l'industrie privée muées en défense des intérêts nationaux, avait alors encore assez d'efficacité pour contraindre au recul les milieux militaires, organiquement intégrés au Business16. Le projet May Johnson avait été concocté par le War Department, notamment le général Royall et Marbury, l'avocat du ministère; début octobre, Truman déclara publiquement qu'« il serait tenu compte des intérêts des entreprises privées, notamment pour les applications commerciales » et les recherches dans les laboratoires des universités. Encouragé, May, président de la Commission des affaires militaires de la Chambre, voulut bâcler et clore les auditions dès le 9 octobre ; mais la procédure « a soulevé de telles protestations en particulier parmi tous les savants ayant travaillé à la réalisation de la bombe atomique que la commission est revenue sur sa décision » ; et que Truman, tout en insistant sur l'impératif du secret dans son discours du Navy Day, le 26 octobre, précisa ‹<que la possession de cette arme par les Etats-Unis n'était une menace pour aucun pays ».17

Les « libéraux », « partisans d'une politique de partage du secret avec la Russie », étaient représentés au sommet de l'Etat par le secrétaire au Commerce Wallace : au conseil de cabinet du 21 septembre, il avait, selon la presse, demandé sa communication à l'URSS, initiative qui provoqua une série de faux démentis. Les libéraux partageaient encore les analyses des savants, disant tout haut ce que les impératifs de la guerre froide commençante incitaient la plus grande partie de l'establishment à nier farouchement: « que l'URSS parviendra[it] fatalement à la fabriquer dans quelques années et qu'en la mettant au courant dès maintenant l'on ferait un geste qui contribuerait au rapprochement des deux pays »18.

Mais la tentation de l'épreuve de force avait alors largement gagné ce qu'on appelait « opinion publique » - formule euphémique désignant les milieux socio-politiques qui la forgeaient, presse en tête: « La question des relations avec la Russie, câbla Francis Lacoste le 30 novembre 1945, était et reste au premier plan des préoccupations; l'opinion, pour qui l'échec de la conférence de Londres a souligné la rivalité anglo-russe, envisage en fonction des rapports entre les deux pays les décisions à prendre en matière de force atomique et attend les réactions de l'Union soviétique devant la déclaration de Washington »19.

Arme de guerre intérieure, le May Johnson Bill occupa une place notable et précoce dans le processus de « guerre froide intérieure » (Cold War at home) - de marginalisation des esprits critiques bientôt désignés en ennemis et traîtres -que Thomas McCormick étudie à partir de 194620. La violation de ses règlements entraînerait des peines allant jusqu'à 100.000 dollars d'amende et 10 ans de prison ; celle des règles de sécurité et la divulgation de secrets, des « peines trois fois plus élevées »21. Cet attirail, complété d'une clause de « peine de mort pour toute personne convaincue d'avoir fourni à une puissance étrangère des informations relatives à l'Energie atomique susceptibles de nuire à la sécurité des Etats-Unis », fut voté par la Chambre le 26 juillet 194622. Il fournit les moyens juridiques des procès d'espionnage dont le Canada - pays allié fort complaisant - avait dès les premières semaines de l'année (on y reviendra) offert aux foules le modèle. Dans le conflit entre les partisans du « contrôle civil » et du « contrôle militaire », qui masquait la prétention des grands intérêts privés à l'exclusivité de l'énorme marché des industries atomiques, le second camp marqua en mars 1946 des points décisifs: ce triomphe provoqua « la réaction violente de M. Wallace », qui déclara « que le Sénat avait maintenant la possibilité de livrer la population américaine « au fascisme militaire de ce pays ». Sous le couvert des clameurs du Sénat et de la presse « pour que fut (sic) extirpée « la 5è colonne pro-soviétique » »: alors que de telles déclarations ont reçu une abondante publicité, rapporta Henri Bonnet le 21 mars, le démenti officiel de M. Alfred McCormack, chef des services de renseignement du Département d'Etat, a été noyé dans le flot des nouvelles de la grande presse américaine » (un simple « entrefilet » dans le New York Times); l'arrestation du Dr Numm May à Londres entretient « une angoisse que certains milieux voudraient utiliser à des fins politiques »23. Jeu d'ombres, puisque, selon les termes de la « personnalité scientifique » néerlandaise citée en début d'article, le jeune Anglais communiste avait au plus « probablement avancé les travaux des spécialistes soviétiques de quelques mois. Ne croyez pas cependant, qu'il ait livré à l'URSS le secret de la bombe atomique, qui en fait est un secret de Polichinelle. Il a simplement permis à la Russie de combler une partie de son retard sur les Anglo-Saxons. »24

On connaît la liste des manifestations atomiques provocatrices, à commencer par la tapageuse explosion de Bikini du 1er juillet 194625, défi à une URSS victorieuse mais à quia et tentative « de substituer le procédé d'intimidation de la bombe aux négociations engagées pour la paix »26. Paris en dressa un tableau cru, ainsi dans un courrier du 17 juin 1946 que Dennery, responsable de la direction « Amérique » du Quai, adressa à Bonnet après des « conversations » sur la politique atomique américaine avec Edgar Mowrer, qui avait vu Truman avant son départ pour Paris. Leur objet atteste que le thème de la « guerre préventive contre les Soviets » n'attendit pas la guerre froide déclarée: le président « lui aurait dit qu'il n'avait naturellement aucune illusion sur l'acceptation éventuelle du projet Baruch par les Soviets; mais que l'administration américaine était résolue à mettre sur pied, dès le mois de juin prochain, au besoin sans la participation soviétique, l'agence internationale de contrôle de l'Energie atomique prévue dans le projet Baruch. Cette décision n'aurait aucunement un caractère platonique. Le plan américain permettrait d'élargir la définition traditionnelle de l'agression. Elle énumérerait un certain nombre d'infractions aux règles régissant l'exploitation de l'énergie atomique et ces règles ne vaudraient pas seulement pour les Etats ayant adhéré aux propositions américaines, mais aussi pour ceux qui, comme les Soviets, les auraient rejetées. Si les Soviets entreprenaient la fabrication d'armes atomiques sur leur propre territoire, le Gouvernement américain se jugerait donc autorisé juridiquement à les considérer comme agresseurs et à déclencher contre eux une riposte immédiate.

Il s'agirait donc, si les propos de Mowrer sont exacts, de préparer un recours éventuel, sur des bases juridiques, à une guerre préventive contre les Soviets ».

A cela s'ajoutait la déclaration récente du général Billotte « lors de son passage à Paris, que les principaux Chefs militaires américains étaient résolus à ne pas perdre l'avance acquise dans le domaine des armes atomiques et à liquider inexorablement toutes tentatives des Soviets pour rattraper leur retard. L'Etat-Major américain se sentirait déjà en mesure d'anénantir en quelques jours toute résistance politique et même d'établir sur l'Elbe à l'aide de moyens atomiques, qu'il a déjà à sa disposition, un barrage qui empêcherait l'armée rouge de déferler sur l'Europe occidentale et d'engager une campagne militaire offensive »: le tout serait faisable « avec quelques centaines de spécialistes ». Selon Dennery, « il d[evai]t y avoir certaine exagération dans les propos » précités. « Mais d'une part le sérieux et l'importance de ces deux personnalités ne permettent pas de négliger leurs indications. D'autre part il n'est pas exclu que le ton délibérément agressif et dramatique qui est celui de M. Byrnes à la Conférence de Paris ne se rattache à cette campagne d'opinion préparatoire.  »27

Le thème de la « guerre préventive contre les Soviets » franchit bientôt résolument le cadre des sommets de l'appareil d'Etat - où il avait pris naissance. Avec une audace dont témoigne en septembre l'appel public du professeur Huray, de l'université de Chicago, prix Nobel de 1934, « un des meilleurs savants » atomistes, à un déclenchement de la guerre atomique par les Etats-Unis: « avec le « but franchement déclaré » de conquérir le monde et de le gouverner comme ils l'entendent et d'empêcher une autre nation de développer des moyens massifs de guerre. »28

Les années qui suivirent ne firent qu'accroître l'arrogance d'une nation qui semblait refuser aux Soviets jusqu'au droit à l'existence; et dont les représentants se vantaient, sur consigne hiérarchique, de pouvoir aisément pulvériser le gêneur: ainsi en juillet 1948 à une réunion hippique interalliée, le lieutenant-colonel américain Deneveu, chef de Liaison à la Kommandatura de Berlin a, câbla le général Noiret, « ostensiblement mis accent dans ses conversations avec nos compatriotes sur confiance que lui donne pour développement de la situation la mise en place de moyens atomiques importants en Allemagne (...) Ces moyens permettraient éventuellement création d'un rideau atomique sur la ligne Oder par exemple, ce qui entrainerait isolement et réduction à impuissance de forces soviétiques se trouvant à Ouest de cette ligne.

Etant donné discrétion habituelle des Services Américains, il paraît certain que c'est sur ordre que lieutenant-colonel Deneveu a répandu ces indications à plusieurs reprises parmi le public français qui assistait à réunion.  »29

LA « DIPLOMATIE ATOMIQUE » ENTRE TUMULTE IDÉOLOGIQUE ET HÉGÉMONIE ÉCONOMIQUE :

LE FORCING AMÉRICAIN CONTRE LA CONCURRENCE

En dépit des faux-semblants de guerre froide, la France, en réalité infiniment plus taraudée par le péril militaire allemand, tant traditionnel qu'atomique, que par de noires intentions soviétiques30, n'était pas plus dupe en 1948 qu'en 1945 des motifs réels de l'apparente obsession américaine. En martelant le leitmotiv du secret atomique, Washington songeait surtout à conserver un différentiel d'avantage le plus durable possible, pas seulement sur le concurrent soviétique, mais sur tout concurrent.

ANGLAIS ET CANADIENS MARGINALISÉS, MAIS ASSOCIÉS AU COMBAT ANTI-ROUGE

Au moins autant, sinon davantage, que les Soviets furent visés par le veto les alliés atomiques privilégiés de guerre, Britanniques et Canadiens. Parmi une foule d'autres, un texte militaire français de janvier 1946 ne négligea pas cette motivation essentielle: il décrivait le souci de « renforce[r] les puissances aériennes anglo-saxonnes aux dépens des puissances terrestres, [qui] a accru la tendance de la puissance continentale soviétique à constituer autour d'elle des « marches » et des glacis de sécurité, telle l'Azerbaïdjan »; il soulignait aussi que « les armes nouvelles » consacraient le triomphe d'une vieille ambition, la relève de l'ancienne puissance dominante. « Maintien d'une puissance supérieure à toute autre puissance mondiale (...) C'est le principe du one-power standard emprunté à la Marine britannique » désormais vouée aux seconds rôles31.

A l'été 1946, l'emphase antisoviétique de la presse anglaise cacha mal les réticences de l'ancienne grande puissance contre l'excès des prétentions de la nouvelle puissance, incarnée par l'exorbitant plan Baruch: le Times avoua presque que la suppression du veto - « une renonciation sans précédent à la souveraineté nationale » - ulcérait Londres autant que Moscou; « la très conservatrice revue « Truth » [qui] a pris catégoriquement position contre le plan Baruch » proclama ce que ses confrères élogieux n'osaient écrire : « en nous y soumettant nous donnerions aux Etats-Unis ce qu'ils ne possèdent pas encore, (...) le contrôle de l'extraction de l'uranium nécessaire, que l'Empire britannique possède en abondance »32. Utiles dans la croisade contre Moscou, Britanniques et Canadiens se posaient en concurrents atomiques gênants, ce domaine n'échappant pas à la concurrence générale que la guerre avait à la fois révélée et exacerbée33. Entre 1945 et 1946, les représentants de ces Etats si coopératifs pendant le conflit furent avec de moins en moins de ménagement confrontés à la volonté américaine de monopole atomique34.

De sorte que le consensus réel se borna à tonner contre les Soviets et leurs malignes actions et intentions. Ecartés du secret d'après guerre alors qu'ils avaient libéralement prêté leurs chercheurs et engagé des moyens financiers pendant tout le conflit au bénéfice du Manhattan Project, ils purent démontrer leurs talents en semblant prendre l'initiative d'une des plus vastes entreprises idéologiques de la guerre froide atomique: la tentative de démontrer que l'URSS ne pouvait accéder à la maîtrise de l'atome qu'au prix de la fraude et de l'espionnage. On ne sollicita guère ces anciens partenaires que pour les grandes représentations tournées, en apparence au moins, exclusivement contre Moscou: elles commencèrent par des déclarations solennelles communes, à Washington, le 15 novembre 1945, sur l'impératif du secret, maquillé en « contrôle de la force atomique par l'ONU », qui vinrent donner une caution internationale aux discours à usage intérieur de Truman du début octobre (message au Congrès, le 3, conférence de presse, le 8)35.

Quant au fond, Londres fut sans illusion, comme le confirma Massigli le jour même du retour d'Attlee de Washington: « dans les milieux autorisés, on estime que le seul progrès qui ait été accompli consiste dans le projet de création d'une commission des Nations Unies » sur le problème. « Le reste du communiqué est, au fond, assez vide de substance. D'après les experts, il serait absolument impossible de séparer, dans la science de la désintégration de l'atome et les applications industrielles qui en découlent, ce qui est du domaine militaire de ce qui est du domaine industriel. Dans ces conditions, tout système d'inspection se heurte à des difficultés quasi insurmontables et il ne semble pas possible de sortir de l'impasse actuelle si une confiance totale n'existe pas entre les Etats (sic). »36

« La loi [américaine] de 1946 sur l'Energie atomique » régla « le problème de la coopération » atomique Grande-Bretagne-Etats-Unis en la « rend[ant] impossible »37, créant le cadre juridique auquel les péripéties des procès à grand spectacle offrirent ensuite les justificatifs nécessaires. Dans le même temps, l'acceptation par le Royaume-Uni de bases américaines, sanction précoce du Prêt-Bail de guerre, eut son prolongement atomique. L'ancienne maîtresse du monde dut accueillir sur son sol les armes qui incarnaient le triomphe de ses rivaux: en octobre 1946, Drew Pearson affirma que les Etats-Unis avaient entreposé des bombes atomiques au Nord de la Grande-Bretagne, et il maintint mordicus son information après le démenti de Patterson, secrétaire américain à la guerre; à bon droit: une personnalité de l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris confirma au Quai d'Orsay « que l'information (..) était exacte », et le transfert terminé38.

Les Anglo-Canadiens contribuèrent sans le vouloir à leur propre éviction par les Américains du club à trois de naguère, victimes de leur empressement à s'associer à la mise en scène de procès d'espionnage. Conçue de leur côté comme une démonstration de fidélité destinée à gagner les bonnes grâces du grand allié, l'opération, dans laquelle le premier ministre McKenzie King prit une part personnelle décisive, remit à Washington contre eux une arme redoutable. On mentionnera pour mémoire le fait que cette première affaire - celle du procès canadien du Dr Alan Nunn May -, livré par la presse en mal de « rumeurs alarmistes » en février 1946, visa davantage à ramener « l'opinion publique » à une stricte orthodoxie « occidentale » contre le « Gouvernement des Soviets » qu'à prévenir un danger. Dédaigneux du zèle américanophile de King (qu'il pratiquait pourtant lui-même 39), et du « bruit mené à Ottawa autour de l'affaire », Bevin confia à Bonnet lors de leur « conversation privée » son peu d'« importance » (« un des incidents (...) (sic) à l'activité des services secrets »); McKenzie King, qui en avait d'ailleurs parlé pour la première fois à Washington lors de son entrevue avec Truman et Attlee, « avait été informé dès lors qu'elle n'était pas considérée comme grave par les Etats-Unis où il n'y avait aucune fuite au sujet de la bombe atomique. Les renseignements obtenus au Canada ne paraissent pas d'autre part présenter grand intérêt »40.

Frappant des chercheurs issus des laboratoires anglais et canadiens, associés pendant la guerre au vaste projet Manhattan, cette épuration prétendue permit aux Américains de seriner le thème des impératifs du secret à l'égard de ces pays négligents: il fut aisé d'arguer qu'ils n'avaient pas observé le minimum de sécurité envers des scientifiques émigrés souvent issus de l'Europe centrale, juifs ou non, anti-nazis que leur haine du nazisme avait transformés, selon la terminologie de guerre froide, en « traîtres » au service de l'URSS désormais considérée comme l'ennemi par excellence. En mars 1946, le procès de May, maître de conférences de physique au King's College de Londres, inaugura ce qui devint ensuite une routine d'apparence antisoviétique, mais à forte portée anticanadienne ou antianglaise. On perçut d'ailleurs nettement à Londres de graves réticences nationales envers ce qui apparaissait comme une épée de Damoclès américaine menaçant toute activité nucléaire indépendante. Plus sincères que les politiques, « tous les milieux scientifiques » le reconnurent, s'insurgeant publiquement contre une « condamnation (...) assurément sévère et (...) trouvée généralement trop lourde » - 10 ans de travaux forcés -, notamment via le vote, le 13 mai, d'une résolution de l'Association of Scientific Workers « demandant une considérable réduction de la peine »41.

Au fil des ans prospéra le thème de la responsabilité de la négligence des Anglo-Canadiens dans leur mise à l'écart du club atomique américain: il se nourrit de chaque information sur les méfaits et trahisons des sympathisants de l'URSS ou procès de guerre froide. L'affaire Fuchs de février-mars 1950, qui frappa les observateurs par ses « aspects (...) obscurs » (Massigli), exemple type de l'intoxication collective sur les règles du secret, fait aussi office de cas d'école sur l'immigration scientifique châtiée. Cet ancien communiste allemand repenti, auteur d'une curieuse « longue confession [...,] document extrêmement intéressant [qui] n'a été que très partiellement publié », fut arrêté en Grande-Bretagne début février 1950, sur « information » du FBI et autres « services américains ». Adhérent du KPD en 1932, clandestin depuis l'incendie du Reichstag, son père ayant été déporté, il s'exila en France puis en Grande-Bretagne, où il reprit ses études grâce à une bourse; « exceptionnellement doué », il obtint une bourse Carnegie en 1939, fut au début de la guerre interné comme étranger et envoyé au Canada où il resta jusqu'au début de 1942; après un stage d'études à Glasgow, il fut nommé adjoint aux recherches du professeur de l'Université de Birmingham, et naturalisé britannique; il fut de 1943 à août 1944, à New York, d'août 1944 à l'été 1946, à Los Alamos, membre de la mission de Grande-Bretagne pour les recherches atomiques; de l'été 1946 à février 1949, il rejoignit le laboratoire Marwell en Grande-Bretagne, d'où « certains éléments jugés indésirables » furent éliminés par le contre-espionnage en août 1949, Fuchs étant alors « promu chef du service de physique théorique ».

Le dossier, bouclé en quelques semaines - Fuchs fut condamné à 14 ans de prison début mars -, permit surtout une opportune relance de la campagne antirouge, centrée sur son communisme et le leitmotiv de la bombe soviétique impossible sans lui; servit de prétexte à Hoover pour demander les crédits nécessaires à l'embauche de 700 personnes; et surtout conduisit la Grande-Bretagne et le Canada à des mea culpa embarrassés, qui imputèrent un secret américain pratiqué de longue date à ces péripéties de guerre froide. L'affaire a suscité à Londres, commenta Massigli le 10 mars, « une grande émotion », en raison des « défaillances qu'elle a révélées dans les services de sécurité ». Le Labour est d'une remarquable discrétion, la presse aussi, sous « l'effet de certains conseils gouvernementaux ». « Cette discrète réserve est d'autant plus frappante qu'en fait l'affaire a abondamment défrayé les conversations privées et provoqué de nombreux commentaires qui s'exprimaient très librement ». Elle risque en effet d'aviver « les réticences américaines déjà sensibles avant », excluant « toutes nouvelles conversations à ce sujet entre les deux pays »42.

L'ère coréenne, propice à une offensive générale des Américains tant contre les alliés que contre les ennemis présumés, leur laissa toute liberté pour ériger en souci idéologique la volonté d'évincer ces concurrents sérieux dans la course à l'atome: interviewé en novembre 1950, Dean, de la Commission américaine de l'Energie atomique, « a confirmé les estimations courantes selon lesquelles les renseignements transmis par Fuchs aux Soviets ont pu permettre à ceux-ci de gagner un ou deux ans dans leurs travaux », « que la coopération avec les Anglais qui avait été complète pendant la guerre se limite à présent à certains échanges d'informations dont est exclu tout ce qui concerne les armes atomiques. En tout cas, l'affaire Fuchs a calmé tous ceux qui travaillant au programme atomique étaient enclins à ridiculiser les exigences de la sécurité »43.

Plus solide paraît la voie que « la très conservatrice revue « Truth » » refusait avec véhémence d'emprunter. Entamée par le contrôle des ressources du dominion canadien44, elle compta parmi les objectifs majeurs du Plan Marshall; et fit l'objet du fameux article IV des « accords Marshall » bilatéraux, identique pour tous les signataires, stipulant la mise à la disposition des Etats-Unis des « matières premières stratégiques », particulièrement abondantes dans les possessions coloniales de certains « pays Marshall », en l'espèce « le contrôle de l'extraction de l'uranium nécessaire, que l'Empire britannique possède en abondance »45. Le dossier, abordé plus loin à propos du Congo belge, où le phénomène remonte à la guerre, revêt un caractère général - mais que les pays concernés traitèrent en fonction de leurs forces et faiblesses respectives: nous ne le négligeons ici (et dans le cas français) que faute de place46.

LE CAS FRANÇAIS

• Le fourre-tout atomique

Les Français, également engagés dans la compétition nucléaire, furent souvent aussi bons analystes sur leur cas que sur celui de leurs rivaux britanniques, et aussi peu dupes du paravent antisoviétique des visées américaines.

Le dossier comporta des aspects divers, donnant un nouvel habillage à de vieilles questions politico-militaires: la bombe atomique servit entre autres de prétexte au refus américain de garanties contre le Reich, simple répétition ou poursuite de la ligne adoptée après 1918. Le nouveau symbole de la puissance américaine fut utilisé dès l'été 1945 comme justificatif à l'une des plus précoces manifestations publiques de la « politique douce » pratiquée envers l'Allemagne : Washington argua auprès des Français, en opérant un retrait massif « des troupes qui avaient fait la campagne et qui étaient le plus hostiles aux Allemands », qu'avec la bombe atomique, « l'Amérique n'avait plus besoin de conserver de grandes forces d'occupation en Allemagne »47. Couve de Murville reçut confirmation de cette tactique le 19 novembre 1945 lors de ses conversations (des 19 et 20) au Département d'Etat. Une fin de non-recevoir, exprimée par l'économiste Rostow, accueillit ses demandes de soustraction de la Ruhr à la tutelle allemande. Ayant déclaré que la France « considérait comme « un facteur de sécurité [de...] priver l'Allemagne centrale du surplus d'énergie qui lui permettrait de développer l'industrie atomique », il s'entendit répondre: « M. Rostow se demande si le système de sécurité envisagé pour maintenir l'Allemagne hors d'étal de nuire, aura encore quelque valeur dans l'âge atomique où nous sommes et où les anciens facteurs de puissance, chiffres de population, ressources industrielles, etc..., ne sont plus les seuls à déterminer la véritable puissance » (faux-semblant auquel le Français répliqua avec bon sens, mais en vain, que la production atomique serait l'apanage des pays industriels puissants, ce qui ramenait le problème à ses vieilles dimensions)48.

A l'époque où. en apparence, Anglais et Canadiens étaient encore traités en partenaires, les Français firent déjà l'objet d'exclusives aussi rigoureuses que les Soviets, comme l'atteste la correspondance de mai 1946 sur la préparation des expériences américaines à Bikini. Cette vaste opération de relations publiques devait se tenir en présence d'« observateurs étrangers » appelés ainsi à constater la fabuleuse puissance de l'arme et de son détenteur: les Américains ayant réduit la France à une portion aussi congrue que celle de l'URSS, en ne lui offrant que deux places49, il fut décidé le 23 mai que les personnalités désignées par Paris, Auger et Joliot-Curie, n'y assisteraient pas50.

Mais Paris ne parvint pas davantage sur ce dossier que sur d'autres à formuler une opposition, pourtant indéniable, à la politique américaine. Washington voulait, sur le plan international, transformer son monopole sur la bombe atomique en épreuve de force contre le « droit de veto » soviétique. Les Français furent donc comme tous les « Occidentaux » fortement sollicités de se montrer des alliés politiques sûrs contre l'URSS dans une ONU d'emblée érigée en fief américain51. Ils se résolurent dès juin 1946, époque des premières réunions de la Commission onusienne de l'Energie atomique, à un soutien insincère dont, selon la coutume, Moscou fit les frais. Contre les « propositions soviétiques » en 7 points présentées le 19 juin par Gromyko52, Parodi, dûment mis en garde contre toute tentation d'infidélité par Baruch - qui « m'a dit qu'il attache une grande importance à la déclaration de la France » -, câbla le surlendemain: il est impossible de soutenir les Soviétiques, dont le projet apparaît « comme une machine de guerre politique contre les Etats-Unis visant à les mettre d'avance en accusation devant l'opinion mondiale et d'(sic) exiger d'eux l'abandon de l'arme atomique sans contre-partie »53.

Parodi laissa cependant souvent - ainsi le 6 septembre 1946 - percer sa profonde antipathie contre une morgue que les Soviets hissés par leur contribution à la victoire au rang des grandes puissances ne pourraient à coup sûr tolérer. Derrière cette sympathie envers se lisait la crainte proprement française des conséquences de l'hégémonie américaine, telle la menace contre l'utile droit de veto: « Ce ne sont pas des savants qui ont conçu le plan soviétique, mais des hommes d'Etat d'un pays qui n'accepte pas qu'une arme nouvelle vienne porter atteinte à l'indépendance de sa politique, à sa souveraineté, le frustrer des bénéfices qu'il peut retirer de l'effort prodigieux qu'il vient d'accomplir pour atteindre un degré de puissance unique dans son histoire. (...) Se refusant à admettre le caractère révolutionnaire de la situation, ils ont proposé un plan établi en fonction de l'intangibilité de la souveraineté nationale et de l'immuabilité de la Charte [de l'ONU]. Leur solution est conforme à la tradition diplomatique »; aucune « sécurité internationale » ne serait d'ailleurs gagnée par la suppression du veto. Quant à l'obsession du secret des « milieux militaires et financiers influents », ou la tendance des Etats-Unis à « se fermer aux étrangers » révélée par la gêne des savants américains et leur refus de réponse aux questions de leurs « collègues étrangers », elle était « la conséquence de la situation politique générale qui rend le gouvernement américain de plus en plus circonspect à l'égard de la communication d'informations qu'il est seul ou estime être seul à posséder »; et les Français comptaient parmi ses victimes désignées autant que les Anglo-Canadiens récemment évincés, après y avoir été invités, d'une conférence au Laboratoire de Los Alamos54.

L'année de naissance officielle de la guerre froide et celles qui suivirent ne changèrent rien aux analyses de Parodi55 ; celles de l'ambassadeur Bonnet, partisan pourtant inconditionnel de l'alliance avec Washington, rendirent le même son56. Les procès américains, déjà très florissants dans l'ère pré-Mc Carthy, dès 1948-1949, appelés en réalité à transformer l'ère du New Deal en repoussoir, laissèrent Bonnet, pourtant gagné au discours antirouge codé, parfaitement impavide: ainsi ne se cacha-t-il pas, en décembre 1948, de considérer le procès d'Alger Hiss, « ne repos[ant] que sur les accusations » intéressées de Chambers, et remarquable par son « côté spectaculaire et [s]es obscurités », comme une pure mascarade. Le reste fut de la même eau57.

• Des faux-semblants aux réalités du dossier Joliot-Curie

Mieux que tout autre, le long bras de fer entre Washington et Paris, via le cas Joliot-Curie, révéla la tactique américaine d'éviction des concurrents. Le forcing contre Frédéric Joliot-Curie, commencé au plus tard dès l'automne 1944, se poursuivit jusqu'à son éviction du Haut Commissariat au CEA - signe de victoire en cette époque de dépendance française maximale58.

Alors même qu'ils n'avaient pas encore officiellement reconnu le GPRA 59, les Etats-Unis refusèrent la présence à Washington de Joliot-Curie, comme représentant de la Résistance, à une réunion prévue le 16 octobre 194460 : Bidault n'ayant pu le 13 à Paris convaincre le délégué américain Chapin de renoncer à pareille « insulte à la Résistance », mais refus, et France s'abstint à la réunion61. Début d'un ostracisme contre la France, franchement avoué à Washington en janvier 194562, auquel l'appartenance politique du chercheur (communiste), symbole de la science atomique française63, allait donner au fil de la guerre froide des motivations codées présentables. Tout auréolé de son prestige de résistant, en butte à un veto obstiné contre sa présence même sur le sol américain, l'intéressé ne mâcha jamais ses mots contre les prétentions des Etats-Unis; et clama bien vite que les Soviets ne laisseraient pas longue vie au monopole atomique : interviewé en décembre 1945 par le journal suédois Stockholms-Tidningen, après un nouveau refus de visa pour New York, siège de l'ONU (portion de territoire bénéficiant théoriquement de l'exterritorialité), il déclara : « la politique atomique actuelle mène à la catastrophe, si un changement ne se produit pas et un changement très prochain »; se félicita que le jeune Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), qu'il allait diriger, disposât en France du pouvoir de décision: non « pas les hommes politiques et les militaires - comme dans les autres pays - mais bien les savants eux-mêmes », qui « ne doivent pas devenir des instruments au service de la grande politique »; et se félicita que les Russes « se [fussent] montrés remarquablement francs » au congrès de Moscou de l'été de 1945, sur les résultats de leurs recherches, comme il avait pu en juger par sa rencontre avec le professeur Kapitza, leur « grand homme (...) dans ce domaine »64.

Franc-parler renouvelé, à l'évident contentement de Paris, dont il exprimait les pensées critiques mais inavouables compte tenu du degré de dépendance à l'égard du fournisseur et prêteur. Ainsi Joliot proposa-t-il à l'été 1946, avec l'aval des autorités françaises, un projet d'« autorité internationale atomique » (AIA) qui rendrait inopérante la tutelle (baptisée « contrôle international ») briguée par le plan Baruch sur les ressources et activités nucléaires mondiales: l'AIA n'exercerait aucun contrôle sur la prospection ni sur la propriété des ressources mais se contenterait de « suivre le minerai extrait et en tiendrait en quelque sorte la comptabilité ». Parade qui permettrait aux faibles de gagner du temps contre la tactique américaine à la hussarde: il était en effet « indispensable », avoua le Secrétariat des conférences, le 25 juillet 1946, « d'obtenir que la Commission de New York ne mette aucune précipitation et que toutes les possibilités d'entente soient épuisées ». Paris savait, comme les tenants soviétiques de la théorie de la « fourchette », que toute « entente » était précisément proscrite par l'exigence américaine d'acceptation sans aucun amendement du plan Baruch: ce texte se réjouissait donc de l'éventualité de l'« ajournement des travaux » de ladite Commission; et déplorait « la tension considérable que causerait l'échec des travaux de New York », car les Etats-Unis non seulement poursuivraient leur programme d'armements atomiques mais envisageraient « l'adoption de certaines dispositions précurseurs de l'attaque », auxquelles le mémorandum du 12 juillet de leur délégation faisait « une allusion voilée »65.

L'assaut américain contre le prestigieux Haut Commissaire du CEA enfla considérablement avec la guerre froide déclarée66 et surtout, aspect moins connu du dossier, au fur et à mesure de l'avancement des travaux français. Piaffant devant la menace d'atteinte au « monopole », la presse américaine, écho des soucis de Washington, ne bornait pas son « énervement » à la dénonciation des efforts soviétiques en Saxe, Tchécoslovaquie et Bulgarie; elle avait « longuement rapporté » les déclarations de Joliot-Curie à Paris, le 25 juillet 1947, « que le monopole de fait de l'uranium que s'étaient acquis les Etats-Unis rendait difficile le travail des sacants (sic) des autres pays » et que la France effectuait des « prospections en Saône-et-Loire et à Madagascar »67. Le tapage antirouge, paré ensuite d'atours « atlantiques », connut après une étape décisive des recherches du CEA -l'annonce le 15 décembre 1948 de la mise en fonction de la première pile atomique (Zoë) connut une intensification marquée. Les Anglo-Saxons usèrent dès lors de la grosse artillerie contre le CEA, présenté comme le repaire de communistes serviteurs de la dictature des Soviets, traîtres à leur pays et à l'Occident démocratique. Avec l'aval des Anglais, mélange de souci concurrentiel envers la France, d'empressement à jouer les avant-postes pour complaire aux Etats-Unis et d'hésitations visibles à participer à la curée, en raison de leur propre exposition à des problèmes similaires: à peine le communiqué du CEA publié, le rédacteur en chef de la revue scientifique Discovery courut en service commandé à l'ambassade de France à Londres demander « si le Gouvernement français tiendrait secrets les résultats des recherches de Châtillon. Il a ajouté qu'au cas où le gouvernement français pratiquerait une politique conforme à ses déclarations antérieures, le secret ne serait pas gardé et ces résultats pourraient fort bien être communiqués à des savants russes notamment par M. Jolliot (sic)-Curie. On pourrait en conclure, d'après lui, que la France sur ce point travaille contre les Puissances occidentales », les travaux de Châtillon ayant, bien que civils, des conséquences militaires.

L'affaire émut grandement le Quai, fort sensible, surtout depuis le ministère Schuman, aux observations de ses grands alliés sur la puissance communiste en France: l'affaire se trouvait, très fallacieusement, en lieu et place du vrai problème, allemand, au coeur des préparatifs du pacte atlantique68; et Massigli suggéra de fortes dispositions à céder à la pression en demandant des instructions pour « me fournir les éléments de réponse à une question qui dépasse d'ailleurs le cadre d'une controverse de presse et devra à un moment ou à un autre être évoquée entre les deux pays sur le plan gouvernemental »69.

Signal d'une campagne désormais sans répit, et oscillant entre l'assaut frontal et les précautions langagières, comme celles de l'Economist du 15 janvier 1949 épargnant le « patriotisme et [la...] science » de Joliot-Curie pour souligner plus loin « les liens de certains des collaborateurs du Haut Commissaire pour l'énergie atomique avec des organisations politiques qui sont tenues en suspicion par les pays anglo-saxons »70. Elle fut particulièrement violente du côté américain où, sur le thème omniprésent de la « crainte que les secrets atomiques recueillis par membre (sic) avoué du parti communiste soient immédiatement communiqués aux Soviets », le News and World Report donna le ton (article transmis par un Bonnet qui appuya plus encore que son confrère de Londres sur le clou de la « méfiance [des Américains] à l'égard de certains de nos savants atomiques »): « Les Français peuvent aujourd'hui connaître des faits atomiques que les Etats-Unis tiennent ultra-secrets. Les Russes sont à même de connaître tout ce que les Français apprennent grâce aux communistes français qui ont des postes-clefs dans la direction des recherches atomiques de la France. Cela pose pour les Etats-Unis plus d'un problème », et les « oblige (...) à demander, avant de signer un Pacte Nord-Atlantique s'ils peuvent compter sur la France contre la Russie ». Suivaient une longue et violente attaque contre Joliot, « un communiste » malgré ses déclarations de loyauté nationale, et une mise en cause de la carence des « contrôles français (...) beaucoup plus lâches qu'aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne »: « le loyalisme à la France est supposé comme allant de soi. L'appartenance au parti communiste n'est pas un obstacle. Les savants soviétiques seront bienvenus à l'Oak Ridge de la France ». La France « sera incapable d'empêcher dans tous les cas les savants communistes de passer à la Russie soviétique quelques précieux secrets atomiques », etc. « La question est de savoir jusqu'où les Etats-Unis seront disposés à aller dans l'établissement de plans de défense communs avec la France aussi longtemps que des communistes ont accès aux secrets atomiques de la France. Une pression américaine sur la France (...) pour demander l'élimination de communistes et la fin des relations scientifiques avec la Russie provoquerait beaucoup de bruit et n'est pas probable. Aussi l'issue du problème atomique aussi bien pour les Etats-Unis que pour la France n'est pas en vue. C'est une sérieuse complication des relations franco-américaines. Probablement vous en entendrez encore parler »71.

Certes, le flot idéologique se poursuivit sur les Joliot (Irène comprise) « qui sont tous deux regardés d'un mauvais oeil à l'étranger parce que membres du parti communiste »72. Il fut cependant éclairé par le dépit qui accueillit le succès français brisant le monopole atomique américain73. En mars 1949, le mépris écrasant de Kelley, directeur du bureau de New York de la Commission de l'Energie atomique, oublieux des faux-semblants anti-rouges, dissimula mal la crainte de la compétition scientifique et commerciale. Après avoir glosé sur les merveilles de la puissance atomique américaine, il évoqua la pitoyable pile française: il « l'a comparée à un vélocipède en face d'un super-bombardier B-36 et a dit qu'il faudrait « des millions d'années pour produire avec cette pile la quantité de plutonium nécessaire pour des armes atomiques »74. La presse saisit avec délice ce thème propre à convaincre l'opinion que le géant américain n'était entouré que d'Etats lilliputiens; et répéta tant que de besoin « qu'il faudrait bien de nombreux siècles pour que notre pays, avec les moyens dont il dispose à l'heure actuelle, puisse obtenir la quantité de plutonium nécessaire à la fabrication d'une seule bombe »75.

La campagne antibolchevique, largement relayée par la grande presse française, connut en 1950, année qui porta sur la place publique la question du réarmement ouest-allemand posée depuis mai 1945, une accélération remarquable. Avant que le prétexte coréen ne vînt servir à tout, la vive réaction du PCF à la mise en oeuvre des premières mesures militaires atlantiques et l'écho de l'appel de Stockholm lancé le 18 mars 195076 permirent enfin de porter le fer dans la plaie. Paris était alors soumis à l'écrasante pression contre « l'infiltration communiste bien connue (...) en matière atomique »77. Disposé à mainte concession dans l'espoir de différer à la fois les déclarations attendues de Washington sur le réarmement stricto sensu et l'intégration dans le pacte atlantique de la jeune RFA, et d'obtenir les dollars indispensables à la poursuite de la guerre d'Indochine, Paris accepta de se situer plus résolument sur le commode terrain de la surenchère anticommuniste78. C'est dans ce contexte que Bidault, alors président du conseil, en réalité opposé aux « plans économiques et de défense » très pro-allemands des Américains, prononça en avril 1950 à Lyon un discours prônant un mythique « Conseil supérieur atlantique » joliment baptisé « de la Paix ». Sa « création constitue un élément de défense contre la propagande des « Amis de la Paix » qui sévit actuellement en France et qui est beaucoup plus sérieuse qu'on ne veuille (sic) le dire », commenta le journaliste luxembourgeois Alfred Lang79. Il s'agissait « essentiellement », selon le Manchester Guardian, de « dérober l'initiative aux communistes tant sur le plan intérieur français que sur le plan international ». De propos dominés par le « but (...) de recouvrer tout d'abord le mot de « Paix » dont les communistes semblaient avoir acquis depuis quelques mois le monopole », on retint « qu'en dénonçant les hauts fonctionnaires qui se déclarent prêts éventuellement à désobéir au gouvernement, M. Bidault [av]ait nettement visé M. Joliot-Curie dont la position semble plus exposée depuis ses récentes déclarations au congrès communiste »80 (allusion à son refus de « faire la guerre contre l'Union soviétique » au congrès de Gennevilliers, le 5 avril).

Dix jours plus tard, Joliot-Curie fut révoqué de son poste81, offrant aux Américains un triomphe, complété l'année suivante (le 4 avril 1951) par l'exclusion d'Irène du haut commissariat, et appelé à se renouveler souvent dans les premières années de cette décennie82. Victoire qui n'empêcherait pas l'insurmontable conflit, dans lequel le savant communiste avait joué le rôle de bouc émissaire, et qui fut assumé avec plus de franchise par les Français à l'ère gaullienne.

LA RECHERCHE DE LA MAITRISE DE L'URANIUM MONDIAL

• Du cas général...

Dans ce contentieux avec le reste du monde, le « secret » destiné à freiner la marche scientifique des rivaux avait, on l'a vu, relevé du théâtre d'ombres. Les Etats-Unis ne disposaient pas du monopole de la recherche, et ni l'espionnage soviétique ni la trahison présumée des communistes vernaculaires ne pouvaient expliquer la maîtrise de l'atome par des nations parvenues à un stade avancé de développement. Leur quête d'approvisionnement exclusif de l'uranium n'en fut que plus fébrile. Incapables de peser effectivement sur les ressources de l'URSS et de sa sphère d'influence, ils tentèrent de priver de matériaux fissiles leurs alliés, que ceux-ci possédassent ou non des réserves. Non sans imputer'à l'URSS une politique de contrôle mondial des minerais, notamment dans leur chasse gardée canadienne que l'intéressée, l'eût-elle voulu, n'avait pas la capacité de mettre en ceuvre83.

On commencera par la seconde catégorie des demandeurs d'uranium, avec les Suisses, auxquels leur absence de besoin de dollars donnait souvent une grande liberté de ton: Berne allait refuser jusqu'à la signature du « bilatéral » Marshall, en arguant que « la Suisse », tenant « à défendre jalousement les brevets et les secrets de fabrication de ses industries nationales, (...) ne v[oulai]t pas avoir », déguisés en délégués des missions de l'ECA, des « observateurs étrangers dans ses firmes industrielles et commerciales »84. L'un de ses représentants, le professeur Paul Scherrer, président de la Commission fédérale de l'Energie atomique, déclara tout à trac au cours d'une conférence à Genève fin janvier 1948: « Les Etats-Unis nous empêchent d'acheter de l'uranium en quelque endroit que ce soit »; nous avons besoin d'énergie nucléaire « mais pratiquement, [ils] contrôlent toute la production d'uranium du monde. Lorsque nous nous sommes rendus en Chine dans le but d'y acheter de l'uranium, nous fûmes chaleureusement accueillis par le Gouvernement chinois. Nos relations devinrent de plus en plus amicales jusqu'au jour où le Gouvernement nous fit savoir avec force excuses qu'il était en relations d'affaires avec les Etats-Unis et que les Américains s'opposaient à la vente d'uranium à d'autres pays ». Bonnet, consulté sur la pertinence de ces propos85, les confirma, rappelant que les Etats-Unis s'approvisionnaient en uranium surtout étranger, « puisque leurs ressources propres sont insuffisantes »; et que des fuites avaient eu raison de la rigoureuse discrétion observée en haut lieu sur le problème: parmi les gisements contrôlés figuraient ceux du Canada, récemment découverts en Afrique du Sud (l'annonce en avait été faite le 1er janvier 1948), de Chine et des Indes; entre tous dominait celui qui nous amène à la catégorie des détenteurs de richesses: il était « certain » qu'un accord avait été conclu avec la Belgique au début de la guerre octroyant aux Etats-Unis le monopole de l'uranium du Congo, estimé en décembre 1947 à « 60% des réserves mondiales »86.

• ... au cas belge: une dépendance caricaturale et paradoxale

C'était mettre l'accent sur le cas symbole de la politique de contrôle mondial des sources d'uranium, de la Suède87 au Canada en passant par l'Afrique du Sud88; et poser à Bonnet une question à laquelle depuis un certain temps les archives du Quai permettaient de répondre. La clause IV du Plan Marshall sur l'accès égal des Américains aux ressources nationales de leurs emprunteurs, « matières premières stratégiques » incluses, avait eu au Congo belge un prédécesseur léonin, que les services de renseignements français connurent rapidement. En quête de longue date des fabuleuses ressources de leurs concurrents dotés d'empires89, les Américains avaient éprouvé le plus vif intérêt pour ces « gisements (...) très abondants (...) découverts tout à fait par hasard en 1922 », dans les mines de cuivre de Chinkolobwe exploitées par l'Union minière du Haut-Katanga, beaucoup plus riches que ceux du Canada et, à la différence des zones arctiques, « accessibles toute l'année »90.

L'entrée dans la guerre leur donna de nouveaux moyens, visibles au plus tard à l'été 1942, où le premier ministre belge Pierlot fit la navette entre les Etats-Unis et le Congo, si richement pourvu en « matières premières les plus nécessaires pour les Alliés »91. Reflet de la signature d'accords prorogeables de fournitures « très secret[s] », le 16 juin (rétroactif au 16 février), et surtout le 1er septembre 1942, entre Belges, Anglais et Américains. Mais ces derniers obtinrent l'exclusivité des livraisons de minerais, notamment du « cobalt ». Passy, du BCRA, mentionna le second arrangement le 14 janvier 1943 et accompagna la copie du texte comportant en annexe la liste des produits du commentaire suivant : « il est possible qu'il ne soit jamais publié »92.

Des indiscrétions égrenées au fil des ans, il ressort que trois personnes furent associées à la cession aux Etats-Unis de « toute la production d'uranium [du] Congo belge »: Spaak93, qui y gagna ses galons d'homme-lige, entre tous, de Washington, source évidente de son éblouissante carrière belge et « européenne »; Pierlot, personnalité dirigeante d'avant-guerre, qui céda la place au précédent après août 194594: et le président de la puissante Union minière du Katanga. Selon le témoignage de l'ambassadeur de France à Bruxelles, Brugère, en décembre 1946, « M. Spaak et M. Sencier (sic), administrateur délégué de l'Union minière seraient les seules personnes véritablement au courant des avantages accordés à leur pays en la matière. Le problème de l'uranium, mêlé à toutes les questions politiques actuelles, resterait le secret du ministre belge des Affaires Etrangères et le ministre des Colonies ne fait que suivre les instructions qui lui sont données à ce sujet »95. Selon de Hauteclocque, en juin 1949, le ministre Merlot connaissait également ce « texte » demeuré « absolument inconnu » de tous96.

Non publié, sans doute, mais « absolument inconnu », assurément pas, tant l'affaire compta dans l'histoire internationale de l'énergie atomique et le contentieux sur le monopole américain, d'une part, dans l'histoire intérieure de la Belgique, d'autre part. L'affaire surgit aussitôt après les explosions que l'uranium congolais avait rendues possibles : notamment sous la forme d'un article de La Meuse, le 13 août, « La Belgique et l'uranium. Quelle est l'attitude de notre Gouvernement ? », qui s'interrogeait sur le rôle futur du pays, placé « dans une situation à la fois enviable et difficile », dans « le contrôle de la production et de l'utilisation de l'uranium »97. Il circula dès lors dans les chancelleries nombre de rumeurs, notamment que Pierlot aurait accédé en 1943 à la demande de Churchill « de nous (...) céder en exclusivité (...) la matière première [qui] nous manque », car « nous sommes (...) sur la voie d'une découverte qui nous permettra de mettre fin brusquement à la guerre »98.

Mal connue dans son détail, mais perçue dans sa globalité -le pays possesseur des plus vastes gisements d'uranium mondiaux avait accepté de s'en dépouiller totalement -, l'énorme couleuvre suscita des initiatives révélatrices de l'embarras des forces politiques belges qui avaient, de bon ou de mauvais gré, opté pour la protection américaine. Echo certain du malaise de l'électorat, le PSB (parti du signataire Spaak) s'apprêtait fin novembre 1945 (les élections devaient avoir lieu en février 1946) selon Le Peuple, à déposer à la Chambre « un projet de loi » de nationalisation des mines d'uranium Congo de l'UMHK99. Les communistes, en butte ici comme en France et en Italie à la coalition américano-gouvernementale impatiente de leur départ, firent du dossier un cheval de bataille. Terrain de propagande solide, que domina le sénateur Libois, professeur à l'Université de Bruxelles. Lorsqu'il critiqua, dans une conférence d'avril 1946, le monopole d'exportation de l'uranium du Congo vers les Etats-Unis depuis la guerre, et proposa des mesures immédiates pour y mettre fin - nationalisation des mines, suspension immédiate de toute expédition vers l'étranger, reprise de celles vers la Belgique, mise des gisements sous le contrôle de l'ONU, dans le cadre d'un engagement général de ne pas fabriquer de bombe atomique -, le chargé d'affaires français en Belgique F. de Seydoux de Clausonne commenta: « une partie de l'opinion belge » partage ses vues, comme l'atteste le refus récent par Arthur Wauters du portefeuille des Colonies « parce que ses projets sur le contrôle international de l'uranium n'auraient pas été acceptés »100.

Les diplomates français, qui firent des visites et conférences de Joliot en Belgique des comptes rendus très élogieux101, allaient répéter pendant la guerre froide, avec une vigueur reflétant des soucis nationaux (la France voulait acheter de l'uranium congolais), que sur ce point le PCB était assez bien entendu. Au second semestre de 1946, la pression communiste s'amplifia dans la presse (via le Drapeau Rouge) et au parlement102; la presse étrangère, américaine ou non, multiplia les articles sur ce « secret d'Etat » et l'ampleur des concessions belges sans contrepartie apparente: la Belgique, cédant son uranium, devait importer la majeure partie de son charbon, dont 1/3 des Etats-Unis, pour 18 dollars la tonne (contre 7 pour celui de ses mines), ponction qui aiguisait d'autant plus la nécessité de son « recours à l'énergie nucléaire »103. Traitée en parent pauvre à l'ONU, où Washington l'avait, se plaignait le Peuple, évincée des débats du Conseil de Sécurité depuis juin, elle avait été « jusqu'à présent, tenue à l'écart des recherches anglo-saxonnes sur l'énergie atomique. C'est justement cet ostracisme qui irrite et inquiète l'opinion : on comprend difficilement que la production congolaise d'uranium puisse échapper entièrement à la Belgique ». Emotion qui contraignait à la fin de 1946 les partis non communistes à ne pas laisser au PCB le bénéfice de la défense des intérêts nationaux. « Que se passe-t-il au Congo? La Belgique possède-t-elle encore son uranium? », titra alors le « léopoldien L'Occident », citant un récent article de la Die Weltwoche suisse « sur la convention secrète qui existerait entre M. Spaak, l'administrateur délégué de l'Union minière du Haut-Katanga et les dirigeants américains : « pourquoi faut-il que ce soit un publiciste étranger qui vienne nous éclairer sur une situation aussi invraisemblable que celle de nos gisements d'uranium et pourquoi laisser aux communistes qui, cette fois, ont raison, le monopole des campagnes de presse et des interpellations en ce domaine? L'uranium congolais appartient à la Belgique », et relève des responsabilités du Parlement et de l'Etat.

Tapage tactique fallacieux, affirma Brugère: « en réalité, il a fallu la curiosité d'un journaliste suisse et l'influence exercée par un sénateur communiste, particulièrement au courant de ces questions, pour rompre la consigne de silence observée jusqu'à ce moment par les milieux officiels »; et tandis que murmurait la critique, se préparait discrètement au Congo l'expansion des activités américaines: on a découvert dans la région de Shinkelobwe de nouveaux gisements « très riches », affleurant, « mais l'on s'impose, dans le but de les dissimuler en attendant de pouvoir commencer l'extraction, de ne pas les prospecter plus avant » ; 10 000 t de minerai avaient été extraits en 1946 « sous la direction d'experts américains et avec l'aide d'une main-d'oeuvre locale peu nombreuse et sélectionnée »; les roches, « une fois extraites, (...) sont envoyées telles quelles aux Etats-Unis », où l'uranium « est séparé du radium qui est entièrement rendu à la Belgique et dirigé sur les usines d'Oolen près d'Anvers ».

Selon le secrétaire général du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS), « le prix payé par les Etats-Unis pour chaque tonnes (sic) d'uranium serait resté celui qui était fixé avant la guerre alors qu'on ignorait encore la valeur de ce minerai », et (on l'a dit), seuls Spaak et Sengier connaissaient les « avantages accordés à leur pays en la matière » [« à leur pays » ou à eux-mêmes?]. Lors de son passage à Gand, Joliot avait confié à van den Dungen, président du FNRS, que la France souhaitait recevoir « si possible d'ici dans deux ans une certaine quantité d'uranium »; la question avait été récemment posée par Paris à Spaak, qui avait répondu qu'il y était « tout disposé (...) pour l'avenir, mais que, jusqu'à la pleine réalisation du contrôle international de l'énergie atomique, toute la production congolaise d'uranium, soit 80% de la production mondiale, devait aller aux Etats-Unis ». « Les savants belges (...) ne disposent [donc] d'aucun uranium pour leurs recherches », et le gouvernement n'en est qu'à envisager « les crédits nécessaires à la construction d'une première pile »104.

La guerre froide pourvut à tout et donna aux dirigeants belges, Spaak en tête, la force de résister à un courant faisant obstacle à l'orientation résolument occidentale choisie depuis la guerre par la coalition catholico-socialiste105. « Le gouvernement américain », qui considérait au début de 1947 « la Belgique [comme...] un pays « absolument sûr »106, n'eut pas lieu d'être déçu. Après la démission-éviction du 12 mars du PCB et la constitution du ministère Spaak socialiste et démocrate-chrétien, modèle entre tous de la Non Communist Left Policy définie par le Département d'Etat107, le contentieux s'alourdit. Le PCB, encouragé par la création à l'Université de Bruxelles, quelques jours plus tard, du fameux « centre d'études atomiques » promis - concession évidente au malaise de l'opinion, mais réduite par les circonstances à une coquille vide -, mena sur l'uranium une campagne plus ardente que jamais. Accompagné à l'occasion de la fraction des forces de droites exclue de la coalition gouvernementale108, il dénonça dans le Drapeau Rouge du 24 mars « Van Zeeland le fils », autrement dit le « nouveau ministre catholique des Colonies, M. Pierre Vigny, « homme des trusts et représentant au sein du gouvernement de M. Van Zeeland » » (lié aux Américains autant que Spaak), et le monopole des Etats-Unis sur « la principale richesse de notre Congo: l'uranium »; son secrétaire général Edgar Lallemand stigmatisa (dans une brochure intitulée « Pour la rénovation du pays ») « le cadeau aux trusts américains d'une production d'uranium qui est égale en richesse à celle de l'ensemble des puits de pétrole et des mines de charbon du monde entier », et pour laquelle la Belgique reçoit « une somme mille fois inférieure à celle qu'ils obtiennent pour leurs minerais de cuivre ».

Brugère trouva que ce n'était pas aller encore assez loin: « Le Drapeau Rouge » aurait pu ajouter (...) que des savants belges sont obligés d'acheter aux Américains plusieurs centaines de tonnes d'uranium au prix du marché noir »: cet aveu du « directeur du nouveau centre d'étude » à un de mes collaborateurs « prouve suffisamment dans quel état de dépendance se trouve, en ce qui concerne les livraisons d'uranium, la Belgique vis à vis des Etats-Unis ».

Mais la conjoncture générale triompha des angoisses de l'opinion: on signalait « l'arrivée à Léopoldville, ces jours-ci, du directeur politique de la section d'Afrique au Département d'Etat à Washington » qui, « accompagné de plusieurs collaborateurs » doit «  séjourner quelque temps dans la colonie »109. Faible avant son départ, encore affaibli et isolé par l'atmosphère marshallienne commençante, le PCB ne put par le mince filet de sa propagande soulever la chape de plomb que la nouvelle formule gouvernementale avait consolidée. En juillet, confronté au Sénat à la demande de Félix Cohen de publication des accords, « M. Spaak a répondu (...) par une fin de non-recevoir: « Notre uranium (...) est livré uniquement aux Etats-Unis, mais je me refuse à vous en dire plus à ce sujet ». Sauf M. Cohen, personne n'insista davantage au cours de la séance sur une question qui irrite M. Spaak chaque fois qu'elle est abordée en sa présence ». Certains journaux catholiques posent la question mais aucun parlementaire n'a apporté de soutien aux communistes: « l'autorité du premier ministre est en effet telle que tous se contentent des brèves explications qui leur sont fournies »110.

L'ère Marshall permit à Washington de revendiquer publiquement, dès juillet 1947 via Harriman, le droit d'importer « les matières premières, les minerais désintégrables » dont les Etats-Unis avaient besoin, - déclaration qui, commenta l'ancien ministre communiste Jean Terfve, « jette un jour tout particulier sur certains fondements des propositions du général Marshall »111. La clause IV du bilatéral Marshall consolida évidemment la vieille tutelle américaine dans des termes susceptibles d'expliquer le rôle des Etats-Unis au Congo à l'heure de l'indépendance formelle et au-delà112. Les archives consultées ne permettent pas de faire le point sur « un secret aussi bien gardé ici [à Washington] qu'à Bruxelles et à Elizabethville ». Sur « les quantités importées [et] le prix d'achat »113, il filtra bien des bribes. Vraies ou fausses, elles suggérèrent que dans la métropole belge privée de la libre exploitation de sa colonie, les partenaires belges dépendant de « l'unique acheteur »114 n'avaient pas tous à déplorer ce marché léonin: en mars 1947, Edgar Sengier, administrateur délégué de l'Union minière, dit à un des agents de l'ambassade de France que sa société « seule, aurait versé à l'Etat belge, depuis 5 ans, 525 millions de dollars »115; et, bien que féaux, les dirigeants belges bataillèrent peut-être pour tirer davantage de profit de leurs ressources théoriques (en 1946, « le minerai a[urait] été vendu 250 fois plus cher qu'avant la guerre »116).

Reste cependant à défricher pour les années du Plan Marshall ce champ de recherche qui, plus que tout autre, éclaire les fondements essentiellement économiques de la stratégie atomique américaine. Symbole d'une puissance capable d'anéantir deux villes japonaises, et d'intimider le second vainqueur de la guerre, la bombe atomique et tout son environnement reflétèrent surtout la tentative du géant mondial de consolider voire d'accroître la supériorité que le récent conflit lui avait donnée sur tous ses concurrents. Pas seulement sur l'URSS échappant à la sphère de la « libre entreprise » et présentée la guerre à peine finie comme le loup-garou appuyé partout sur des séides vernaculaires, menaçant la sécurité de la planète que seule la sage et responsable Amérique pouvait assurer; mais aussi sur tous les alliés occidentaux, protégés présumés. Ces autres compétiteurs sérieux acceptèrent, assez aisément pour des raisons intérieures, et de plus en plus au fil d'une guerre froide qui fit trembler leurs opinions publiques, de marginaliser leurs dissidents. Mais le tapage antirouge qui occupa les tréteaux ne mit pas fin à des conflits mettant en question leurs capacités scientifiques et industrielles, fondements des souverainetés nationales. Loin de constituer une sorte de domaine à part, la bombe atomique nous ramène à la problématique des Kolko sur l'ampleur et les « limites » objectives de la puissance américaine117.

Annie LACROIX-RIZ
(Professeur à l'Université de Toulouse-Le-Mirail)

 

Références

1 Note Minerve 16.04.466, Hollande-URSS-USA-Espagne, Paris, 16 avril 1946, Y 1944-1949, vol. 65, droit de la guerre, Energie atomique, 1945-mai 1946, Archives du MAE, Quai d'Orsay (MAE).
2 Lettre de Hauteclocque 113, Ottawa, 17 juillet 1945 (reçue 10-8), Y 1944-1949, vol. 65.
3 Note pour la Direction politique sans n°, Paris, 13 août 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
4 Tél. 462 de la mission aérienne de Washington, 11 août 1945, non signé, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214, questions atomiques, 10 août 1945-9 août 1949, MAE.
5 Bulletin d'études n° 20, EMGDN, Paris, 5 janvier 1946, Y 1944-1949, vol. 65. Souligné dans le texte.
6 Note sur la bombe atomique jointe à la lettre 1529 de Bonnet, Washington, 10 octobre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
7 Lettre 502 de Lacoste, à bord de l'USS McKinley, 8 février 1946, non ponctuée dans le texte, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
8 Atomic diplomacy: Hiroshima and Potsdam. The use of the atomic bomb and the American confrontation with Soviet power, New York, Simon and Schuster, 1965. Sur la diplomatie atomique, voir le bilan bibliographique des chap. 2 et 3 de Thomas McCormick, America's Half-Century: United States Foreign Policy in the Cold War, Baltimore, 1989, p. 250-251 (y ajouter Robert Messer, The end of an alliance: James Byrnes, Roosevelt, Truman and the origins of the Cold War, Chapel Hill, 1982).
9 Tél. Baelen 475, Athènes, 13 août 1945,'' 1944-1949, vol. 65.
10 Robert Messer, The end of an alliance..., p. 139-142.
11 Note de renseignement 1392 01.09.452, URSS-USA, Paris, 1er septembre 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
12 Sur l'intensification de cette campagne depuis septembre, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214, depuis la note sur la bombe atomique jointe à la lettre 1529 de Bonnet, 10 octobre 1945.
13 Note Minerve 26.10.4512, France-URSS, Paris, 27 octobre 1945, Y 1944-1949, vol. 65 (tout le texte a été encadré par son lecteur).
14 GCR. Sect. Lang. Div. OFF. Tél. Info. Italie, 29 janvier 1946, selon le correspondant de l'ONA Arthur Geath, Y 1944-1949, vol. 65. Sur ce dossier, voir tout le vol. et 66-67, droit de la guerre, Energie atomique, 1er juin 1946-30 juin 1949, MAE.
15 Sur la lucidité américaine en la matière, Martin Sherwin, A world destroyed. The atomic bomb and the Grand Alliance, Alfred a Knopf, New York, 1975, p. 237-238.
16 Sur l'hégémonie des milieux d'affaires, militaires inclus, dans tous les organismes liés à l'énergie atomique (CEA, comité militaire de liaison, etc.), il faudrait citer toute la production «révisionniste» américaine; les fonds Etats-Unis 1944-1952, vol. 214 à 216, sont très précis sur les personnalités et sur les firmes, notamment du Pont de Nemours.
17 Note sur la bombe atomique jointe à la lettre 1529 de Bonnet, 10 octobre 1945, et lettre de Bonnet (F. Lacoste) 1885, Washington, 30 novembre 1945 (mots en italique encadrés par lecteur, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
18 Note sur la bombe atomique jointe à la lettre 1529 de Bonnet 10 octobre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
19 Lettre de Bonnet (F. Lacoste) 1885, Washington, 30 novembre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
20 Thomas McCormick, America's Half-Century..., p. 69 et passim.
21 Lettre de Bonnet (F. Lacoste) 1885, Washington, 30 novembre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
22 Lettre de Bonnet 1338, Washington, 29 juillet 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
23 Lettre 681 de Bonnet, Washington, 21 mars 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
24 Note Minerve 16.04.466, Hollande-URSS-USA-Espagne, 16 avril 1946, Y 1944-1949, vol. 65.
25 Lettre de Lacoste 1240, Washington, 6 juillet 1946 (sur les commentaires de la grande presse), Etats-Unis 19441952, vol. 214, et tout le vol.
26 Information USA, BE 79/7/46, Paris, 12 juillet 1946, sur les buts de l'expérience, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
27 Copie de la lettre de Dennery à Bonnet, 17 juin 1946 (BE 131, 21 août 1946), Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
28 Lettre 113 de Parodi, New York, 6 septembre 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
29 Tél. 936/CAB Noiret, Berlin, 13 juillet 1948, Y 1944-1949, vol. 67, droit de la guerre, Energie atomique 1er août 1946-30 juin 1949, MAE. Texte cité selon l'original, avec ses fautes.
30 A. Lacroix-Riz, «Sécurité française et menace militaire allemande avant la conclusion des alliances occidentales : les déchirements du choix entre Moscou et Washington (19451947)», Relations Internationales, n° 51, automne 1987, p. 289-312, p. 298 sq., «La France face à la menace militaire allemande au début de l'ère atlantique: une alliance militaire redoutée, fondée sur le réarmement allemand (19471950)», Francia, vol. 16, cahier n° 3, mai 1990, p. 49-71, et «La transformation d'un ami en ennemi: l'URSS, le Quai d'Orsay, Washington et la presse entre l'alliance de guerre et la guerre froide, 1941-1948», Pratiques et cultures politiques dans la France contemporaine. Hommage à Raymond Huard, Centre d'histoire contemporaine du Languedoc-Roussillon, Université Paul Valéry, Montpellier, 1995.
31 Bulletin d'études n° 20, EMGDN, Paris, 5 janvier 1946, Y 1944-1949, vol. 65.
32 Lettre de Massigli 2027, Londres, 3 juillet 1946, Y 1944-1949, vol. 68, énergie atomique, affaire d'espionnage au Canada, 20 février-4 décembre 1946, MAE.
33 Faire le point sur ce thème essentiel de la recherche anglo-américaine (depuis Richard Gardner, Sterling-Dollar Diplomacy : Anglo-American Cooperation in the Reconstruction of Multilateral Trade, Oxford, 1 è éd. 1956) à partir du récent ouvrage de Randall Bennett Woods, A changing of the Guard : Anglo-American Relations, 1941-1946, Chapell Hill, 1990.
34 Sur la diplomatie atomique, bilan bibliographique du chap. 3 de Thomas McCormick, America's Half-Century..., p. 250-251 (y ajouter Robert Messer, The end of an alliance: James Byrnes, Roosevelt, Truman and the origins of the Cold War, Chapel Hill, 1982); et, du côté français, Y 19441949, vol. 65, et Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
35 Lettre de Bonnet (F. Lacoste) 1885, Washington, 30 novembre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214; et toute la correspondance d'octobre 1945; et Y 1944-1949, vol. 65, surtout depuis la note Minerve 06.11.455, Angleterre-USA-URSS, 6 novembre 1945, sur une conversation avec un diplomate de Grande-Bretagne.
36 Lettre 3045 de Massigli, Londres, 20 novembre 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
37 Lettre de Bonnet 1069, Washington, 29 février 1951, Etats-Unis 1944-1952, vol. 216, questions atomiques, 6 décembre 1950-29 février 1952, MAE.
38 Note d'information 259.5/14.10.463, Paris, 16 octobre 1946, Y 1944-1949, vol. 66, droit de la guerre, Energie atomique juin-octobre 1946, MAE.
39 Voir Caroline Anstey, «The Projection of British Socialism: Foreign Office and American Opinion, 1945-50 (sic)», Journal of Contemporary Histoty, vol. 19, 1984, p. 417-451.
40 Tél 1098-1103 Bonnet, Washington, 26 février 1946, Y 1944-1949, vol. 68.
41 Ibid.
42 Citations mêlées, lettres de Bonnet 599, Washington, 9 février, et de Massigli 409, Londres, 10 mars 1950, Etats-Unis 1944-1952, vol. 215, questions atomiques, 26 septembre 1949-29 novembre 1950, MAE.
43 Lettre 5621 de Bonnet, Washington, 22 novembre 1950, Etats-Unis 1944-1952, vol. 215.
44 Lettre de Bonnet 427, Washington, 24 février 1948, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214, et supra.
45 Lettre de Massigli 2027, Londres, 3 juillet 1946, Y 1944-1949, vol. 68.
46 Voir notamment Gérard Bossuat, L'Europe occidentale à l'heure américaine. Le Plan Marshall et l'unité européenne 1945-1952, Complexe, Bruxelles, 1992, Annie Lacroix-Riz, Les Protectorats du Maghreb entre la France et Washington du débarquement à l'indépendance 1942-1956, L'Harmattan, 1988, chap. III, «Réflexion sur un ouvrage récent (1992)», cahiers d'histoire de l'irm, 1994, n° 54, p. 113-140, n° 55, 1994, p. 115-153, et infra.
47 Lettre 1236 de Bonnet, Washington, 21 août 1945, Europe Allemagne 1944-1960, vol. 75, politique américaine, décembre 1944-juin 1946, MAE.
48 BE 1820, Washington, 21 novembre 1945, compte rendu des séances des 19 et 20, Etats-Unis 1944-1952, vol. 171, occupation de l'Allemagne, juillet-décembre 1945, MAE. Sur l'habillage nouveau de la vieille question des garanties antiallemandes, référ. de la note 30.
49 Tél. Bonnet 2562-2565, et 2606, Washington, 17 et 19 mai 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
50 Tél. Broustra, Paris, 23 mai 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
51 Le texte américain lu le 20 comportait la formule: «Il ne doit pas y avoir de droit de veto pour protéger ceux qui violent leur engagement solennel de ne pas développer ni utiliser l'Energie atomique pour des fins destructives». Les féaux se précipitèrent aussitôt à la rescousse (Grande-Bretagne, Chine, qui se dit prête à l'abandon du veto, Brésil, Mexique et Canada), tél. 264 et 265 de Parodi, New York, 20 juin 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214. Sur cet aspect, correspondance depuis juin 1946, Etats-Unis 19441952, vol. 214, et depuis janvier, Y 1944-1949, vol. 65 : la première critique publique du droit de veto fut énoncée par Fraser, premier ministre Nouvelle-Zélande, qui le présenta comme «une tache sur la Charte des Nations Unies», dépêche UP, 19 janvier 1946, Y 1944-1949, vol. 65.
52 Tél. Parodi 264, New York, 20 juin 1946, comportant la traduction intégrale de la déclaration Gromyko du 19 juin, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
53 Tél. Parodi 268-271, New York, 21 juin 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214, encadré et souligné par lecteur, qui balaya en marge toutes les visibles hésitations de Parodi relatives à un soutien trop anti-soviétique du projet américain.
54 Lettre 113 de Parodi, New York, 6 septembre 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214. Voir aussi sa lettre 167 du 4 novembre, ibid., et la correspondance depuis la note du Secrétariat des conférences du 25 juillet 1946, Y 1944-1949, vol. 66.
55 Année citée, depuis sa lettre 57 du 27 février 1947, sur les arrière-pensées de l'affaire Lilienthal, croisade anti-New Deal masquée en chasse aux sorcières mal-pensantes, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
56 Même fonds, depuis son tél. 453-456 du 5 février 1947.
57 Lettre de Bonnet 2866, Washington, 17 décembre 1948, URSS 1944-1960, vol. 47, relations avec les Anglo-Saxons, novembre 1948-février 1949, MAE. Sur les affaires Bentley, Alger Hiss, etc., liées au dossier Rosenberg, propices aux projets atlantiques, correspondance Bonnet, URSS 19441960, relations avec les Anglo-Saxons, vol. 46 et 47 (mai 1948-février 1949) et Etats-Unis 1944-1952, vol. 205, relations Etats-Unis-URSS, 7 janvier 1949-31 mars 1950, MAE.
58 lrwin Wall, L'influence américaine sur la politique française 1945-1954, Paris, Balland, 1989, chap. 7.
59 Sur le long contentieux avec de Gaulle et ses vrais motifs, J.-B. Duroselle, L'Abîme 1939-1945, Paris, Imprimerie nationale, 1983, passim, Frank Costigliola, France and the United States. The Cold Alliance since World War Il, New York, Twayne Publishers, 1992, chap. 1 et 2.
60 Tél. 99 Hoppenot, très urgent, priorité absolue, Washington, 12 octobre 1944, Etats-Unis 1944-1952, vol. 278, affaires administratives, MAE.
61 Compte rendu de la conversation Bidault-Chapin, 13 octobre 1944, Etats-Unis 1944-1952, vol. 278.
62 Texte de H. H. Bundy, du War Department du 19, Martin Sherwin, A world destroyed...., p. 293-294.
63 Tél secret Massigli 3914-3917, 7 août 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
64 Lettre de Jean Baelen, Stockholm, 18 décembre 1945, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
65 Note du Secrétariat des conférences, 25 juillet 1946, Y 1944-1949, vol. 66. Sur la «fourchette», note Minerve 26.10.4512, France-URSS, 27 octobre 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
66 Sur la sensibilité française au thème du péril rouge, et ses puissantes racines intérieures et extérieures, on renonce à la bibliographie, inépuisable (le thème se trouve au coeur de nos travaux sur l'après-guerre).
67 Lettre de Bonnet 427, 24 février 1948, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
68 Sur le rôle de la France dans le faux débat sur le Pacte et dans sa mise en oeuvre, voir A. Lacroix-Riz, «Puissance ou dépendance française? La vision des «décideurs» des Affaires étrangères en 1948-1949», La perception de la Puissance en Europe en 1948-1949, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 53-76, Les Protectorats..., «Vers le Plan Schuman: les jalons décisifs de l'acceptation française du réarmement allemand (1947-1950)», Guerres Mondiales et Conflits contemporains, n° 155, juillet 1989, p. 25-41, et n° 156, octobre 1989, p. 73-87, «Réflexion...», art. cit., et référ. de la note 30; thèse (à peine) plus optimiste, Irwin Wall, L'influence américaine..., chap. 5 à 8.
69 Tél. Massigli 4275-4276, Londres, 17 décembre 1948; mention manuscrite d'un lecteur du Quai, le 21: «vu M. de Boisanger qui en parlera directement à M. Paris», Y 1944-1949, vol. 67, droit de la guerre, Energie atomique, 1er août 1946-30 juin 1949, MAE.
70 Lettre de Massigli 174, Londres, 4 février 1949, Y 1944-1949, vol. 67.
71 Lettre de Bonnet 326, Washington, 28 janvier 1949, Y 1944-1949, vol. 67.
72 «A non-secret atomic pile», art. de Thomas Henry sur les recherches atomiques de la France, Evening Star, 17 juin, et lettre de Bonnet 3477, Washington, 20 juin 1949, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
73 Lettre de Bonnet 326, Washington, 28 janvier 1949, Y 1944-1949, vol. 67.
74 Lettre de Bonnet 1278, Washington, 28 mars 1949, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
75 Lettre de Bonnet 5678, Washington, 29 novembre 1949, Etats-Unis 1944-1952, vol. 215.
76 Voir surtout Etats-Unis 1944-1952, vol. 205-206, Europe Généralités 1944-1960, vol. 22 à 27, et (ancienne dénomination 1949-1955), vol. 87-88 et vol. 119-120, MAE; et A. Lacroix-Riz, «La perception militaire de l'URSS par l'Occident au début des années cinquante: peur de l'Armée rouge ou «ogre soviétique»?», cahiers d'histoire de l'irm, n° 46, 1991, p. 19-61.
77 Lettre de Bohlen, ministre en France, 3 avril, FRUS 1950 vol. III, p. 1371.
78 Voir notamment Europe 1949..., vol. 87, Conférence de Londres de mai 1950 (mars-mai 1950), vol. 18, Pacte Atlantique (janvier 1950-mai 1951), Papiers Bonnet (série Papiers d'Agents), correspondance particulière 1948-1953, FRUS 1950 vol. III, p. 1357-1455, et A. Lacroix-Riz, «La France face à la puissance militaire ouest-allemande à l'époque du Plan Pleven (1950-1954)», cahiers d'histoire de l'irm, n° 45, 1991, p. 95-143.
79 Lettre 352 de Saffroy, Luxembourg, 17 mai 1950, Europe 1949..., vol. 18.
80 Tél. Massigli 174, Londres, 18 avril 1950, Europe 1949..., vol. 18.
81 Je remercie José Fort, journaliste, et le service de documentation de l'humanité du dossier de presse et de l'opuscule de M. Rouzé, Frédéric Joliot-Curie, Paris, EFR, 1950, p. 61-73, qu'il m'ont adressés sur la question.
82 Bilan de la chasse aux sorcières, réalisée avec la collaboration d'«un fonctionnaire du Département» (du Quai), dans les grandes entreprises publiques, et l'aide du chantre de la lutte anti-bolchevique américano-française, Jean-Paul David, animateur de Paix et Liberté, officine de la CIA, détenteur d'«une documentation à jour sur les positions que le parti communiste conserve encore dans certaines entreprises vitales de l'économie française», en navette régulière entre Paris et à Washington, dans l'échange de courriers personnels entre Bonnet, Seydoux et de Boisanger, en janvier-février 1952, Etats-Unis 1944-1952, vol. 268, questions sociales et syndicales, juin 1950-février 1952, MAE; et FRUS 1950 vol. III, loc. cit., A. Lacroix-Riz, «Réflexion...», 2è art. cit., p. 144-146, et lrwin Wall, L'influence américaine..., passim.
83 Les services américains firent en octobre 1945 circuler le bruit que l'URSS, à «la stupéfaction» de Washington, avait acquis «la majorité» des intérêts des mines d'uranium du Canada «il y a trois ans», nouvelle qui aurait déterminé la décision de Truman «de nationaliser tout ce qui concerne la production de l'énergie atomique et d'essayer d'acquérir des mines d'uranium partout dans le monde», note Minerve 12.10.45, USA-URSS, 13 octobre 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
84 Note 54 du capitaine de vaisseau Bienaymé, Stockholm, 23 novembre 1948, Europe 1944... vol. 43, solidarité nordique, août 1948-juin 1949, MAE.
85 Lettre 322 du MAE à Bonnet, 28 janvier 1948, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
86 Lettre de Bonnet 427, 24 février 1948, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
87 Voir Geir Lundestad, America, Scandinavia and the Cold War 1945-1949, New York, 1980, A. Lacroix-Riz, L'économie suédoise entre l'Est et l'Ouest 1944-1949, Paris, L'Harmattan, 1991, passim, et Y 1944-1949, vol. 65 à 67.
88 L 4851 Bonnet 26 octobre 51, et L 5447 Bonnet 7 décembre 51, Etats-Unis 1944-1952, vol. 216.
89 Roger Louis, Imperialism at Bay : the United States, Britain and the decolonization of the British Empire, Oxford, 1977, The British Empire in the Middle East : Arab NationaIism, the US and postwar Imperialism, Oxford, 1984, et Robert Mc Mahon, Colonialism and Cold War : the US and the Struggle for Indonesian lndependence, Ithaca, 1981.
90 Lettre 716 de F. de Seydoux de Clausonne, chargé d'affaires en Belgique, 14 août 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
91 Dépêches belges n° 36 (légation de Belgique à Lisbonne), 30 juillet 1942, Alger-Londres 1939-1945, vol. 231, Belgique, juillet 1940-juillet 1943, MAE.
92 Notes n° 223 et 225 du BCRA, 14 janvier 1943, dont annexe n° 1 sur les produits livrés, «mais le tableau n° 2 n'est pas en notre possession», et copie de la lettre de Hull, secrétaire d'Etat américain, sd, sur l'accord du 16 juin 1942, Alger-Londres..., vol. 233, Congo belge, août 1940-juin 1943, MAE.
93 Lettre de Bonnet n° 1009, Washington, 7 mai 1947, Etats-Unis 1944-1952, vol. 106, Etats-Unis et questions coloniales, janvier 1945-février 1952, MAE.
94 A. Boxhoorn, The Cold War and the Rift in the Governments of National Unity. Belgium, France, Italy. A comparison, Amsterdamse historische Reeks 25, Université d'Amsterdam, 1993, p. 56, 60, 71, 74-80. Réfutation de sa thèse sur le poids limité de Washington en Belgique, A. LacroixRiz, «La grève d'avril-mai 1947 de la Régie Renault: des événements à leur contexte général», Renault Histoire, n° 6, juin 1994, p. 128-161.
95 Lettre 946 de Brugère, Bruxelles, 10 décembre 1946, Y 1944-1949, vol. 67.
96 Rapport de l'Ambassade de France à Bruxelles sur l'activité économique et financière des Etats-Unis en Belgique, 27 juin 1949, Etats-Unis 1944-1952, vol. 238, Questions économiques, financières. Activités économiques des Etats-Unis en Europe, février 1945-janvier 1952, MAE.
97 Lettre 716 de Seydoux, Bruxelles, Y 1944-1949, vol. 65.
98 «Lorsque, par la suite, cette découverte sera susceptible d'applications industrielles, nous en partagerons par moitié le bénéfice avec la Belgique»; Teschoffent, consulté par Pierlot, aurait accepté et «établi un projet de contrat dans lequel le nom de la matière première en question était laissé en blanc: M. Churchill l'aurait dit à M. Pierlot en lui demandant de le tenir secret», lettre 738 de Brugère, Bruxelles, 21 août 1945, Y 1944-1949, vol. 65 (fable, semble-t-il, mais Londres obtint peut-être quelques miettes du trésor américain).
99 Lettre 1001 de Brugère, Bruxelles, 30 novembre 1945, Y 1944-1949, vol. 65.
100 Lettre de F. Seydoux, Bruxelles, 19 avril 1946, Y 1944-1949, vol. 65.
101 La presse belge a célébré la «hauteur de vues» de sa conférence de deux heures à Bruxelles, très critique sur les expériences atomiques des Etats-Unis, etc., lettre 409 de Brugère, Bruxelles, 14 mai 1946, Y 1944-1949, vol. 65.
102 Lettre 447 de Brugère, Bruxelles, 24 mai 1946, sur l'interpellation du gouvernement le 22 au Sénat par Libois, Y 1944-1949, vol. 65.
103 Art de P. W. Denzer, PM du 17 septembre, et lettre 1658 de Bonnet, 26 septembre 1946, Etats-Unis 1944-1952, vol. 214.
104 Lettre 946 de Brugère, Bruxelles, 10 décembre 1946, Y 1944-1949, vol. 67.
105 Voir Y 1944-1949, vol. 67, et référ. de la note 94.
106 Lettre 3 de F. Seydoux, Berlin, Allemagne 1944-1949, vol. 76, occupation américaine, juillet 1946-février 1947, MAE.
107 Edward Rice-Maximin, «The United States and the French Left, 1945-1949: the View from the State Department», Journal of Contemporary History, vol. 19, 1984, p. 729-747, A. Lacroix-Riz, Le choix de Marianne : les relations franco-américaines de 1944 à 1948, Paris, Editions Sociales, 1986 chap. 3, «Du bon usage de la «politique de la Gauche non communiste»», cahiers d'histoire de l'irm, n° 30, 1987, p. 75-104, et «La grève d'avril-mai 1947...», p. 140-149.
108 «Le journal catholique flamingant «De Nieuwe Standard» fait écho au journal communiste» par son article «Monopole belge de l'uranium» : «Quelles sont donc les contreparties économiques, militaires et politiques que la Belgique reçoit de l'Amérique en échange de la livraison totale des minerais du Congo» et demande des explications au gouvernement, référ. n. suiv.
109 Lettre de Brugère 535, Bruxelles, 28 mars 1947 (et note jointe «La Belgique et l'énergie atomique» de Max Freson, Drès-sciences, secrétaire du FNRS), Y 1944-1949, vol. 67.
110 Lettre 1109 de Brugère, Bruxelles, 11 juillet 1947, Y 1944-1949, vol. 67.
111 BE 1231 de Bruxelles, 16 août, avec la coupure de Ce Soir du 31 juillet 1947, Y 1944-1949, vol. 67.
112 Voir David N. Gibbs, The Political Economy of Third World Intervention: Mines, Money and US Policy in the Congo Crisis, Chicago UP, 1991 (et sa mise au point dans le Monde diplomatique, septembre 1993, «Comment fut scellé le sort d'un pays aux richesses convoitées», p. 22), et John Stockwell, In search of enemies, a CIA story, Norton, New York, 1978.
113 Lettre 335 de Bonnet, Washington, 16 février 1948, Y 1944-1949, vol. 67.
114 Parmi les fausses confidences, l'anthologie fournie au News Chronicle par un fonctionnaire du ministère des Colonies, notamment sur l'usage de la taxe de 341 livres par tonne exportée: son «produit (...), ainsi que la plus grande partie des bénéfices sont utilisés pour le développement du Congo. Une importante fraction» en est consacrée «au service social et à l'amélioration des conditions de vie des indigènes», etc., lettre 366 de Hauteclocque (en poste depuis janvier), Bruxelles, 27 février 1948, Y 1944-1949, vol. 67.
115 Lettre de Brugère 535, Bruxelles, 28 mars 1947, Y 1944-1949, vol. 67.
119 Lettre 36 de Hauteclocque, Bruxelles, 9 janvier 1948, Y 1944-1949, vol. 67.
117 Joyce et Gabriel Kolko, The Limits of Power. The World and United States Foreign Policy 1945-1954, New York, 1972.