Mesdames, Messieurs,
Les progrès de la science en ce seul 20e siècle sont incommensurables vis-à-vis de ceux réalisés depuis le big-bang... Les nouvelles théories atomiques et moléculaires ont amené une des révolutions essentielles de ce 20è siècle tant du point de vue de la recherche fondamentale, - physique des particules, de l'état solide, chimie, biologie - que des applications actuellement irremplaçables dans de nombreux domaines tels que métrologie biologique, géologique, chimique, historique ou encore dépistage et traitements médicaux.
Mais l'Homme semble ainsi fait qu'à côté des applications pacifiques de la science, certains d'entre eux y recherchent plus volontiers des applications militaires par lesquelles ils tentent d'assouvir leur désir de puissance quels que soient les raisons ou prétextes avancés pour convaincre du bien-fondé de leur décision. Ces retombées positives de la science ne peuvent donc nous faire oublier le risque énorme que fit courir à l'humanité la course aux armements, qui engouffre des sommes fantastiques, phénoménales alors que la recherche fondamentale ou appliquée à des fins pacifiques doit se débattre avec les miettes du gâteau. Si nous pouvons nous réjouir des négociations sur la réduction de l'armement stratégique, nous devons cependant rester pleinement conscients qu'à l'heure actuelle le pétard chimique et le canon nucléaire restent toujours bel et bien armés.
Cinquante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, la plus grande tuerie qu'ait connue l'humanité, massacres dus à la folie égoïste de quelques dictateurs, comment ne pas évoquer ce qui serait advenu s'ils avaient disposé de la puissance destructrice d'aujourd'hui ? Comment ne pas imaginer ce qui pourrait se passer si un paranoïaque de cet acabit prenait aujourd'hui le pouvoir en disposant d'un tel armement ? Les essais nucléaires ont-ils jamais permis et permettront-ils un jour le développement de la science fondalentale ? Par contre ils mettent gravement en péril l'environnement de notre planète terre. Toute décision de reprise des essais nucléaires devrait donc être scientifiquement exposée, mondialement débattue, mûrement et longuement réfléchie.
Mesdames, Messieurs,
L'Université de Mons-Hainaut se veut une université à dimension humaine, largement ouverte sur le monde et ses problèmes. Depuis plusieurs années, à l'initiative et sous l'impulsion de notre collègue Pierre Piérart, elle n'a cessé de multiplier ses actions pour mobiliser sa population et surtout les jeunes sur le danger des essais nucléaires mais aussi sur la dangereuse accumulation des stocks depuis bientôt 45 ans.
Ainsi, en 1987, est née dans notre Université une "Association des étudiants pour la prévention de la guerre nucléaire".
En janvier 1989, en collaboration avec l'association médicale du même nom s'organisait, en notre Centre socio-culturel de la ruelle du Cerf Blanc, une exposition sur les essais nucléaires, qui rencontra un franc succès. Quelques mois plus tard, avec un groupe d'Hibakusha de passage en Belgique, furent plantés, à quelques pas d'ici, neuf arbres symbolisant les neuf essais nucléaires perpétrés entre le 1 er janvier et le 27 mai 1989. En octobre 90, lors d'une séance académique consacrée à la sécurité européenne et la dénucléarisation, en présence de nombreuses personnalités du monde diplomatique. académique et politique - je citerai notamment M. Valentin Bogomazov. Minstre plénipotentiaire de l'URSS auprès des Communautés européennes ainsi que Mme Chisco Tagagi, représentante des femmes Hibakusha - fut officiellement inauguré en notre Université de Mons-Hainaut le parc. Hibakusha consacré à la mémoire des victimes d Hiroshima, de Nagasaki et des essais nucléaires. Cet espace vert se veut le symbole de notre volonté que cessent tous les essais nucléaires. Un arbre y est planté à chaque explosion.
Lors de son inauguration, le 19 octobre 1990, je prononçais ces mots : "En amoureux de la nature et de la forêt, mon meilleur et dernier voeu ira vers ces jeunes arbustes qui nous réunissent aujourd'hui: puissent-ils avec force et vigueur grandir et embellir; puisse leur croissance devenir le vivant symbole d'une conscientisation sans cesse accrue de notre société et surtout, que leur nombre se fige et que ce parc reste suffisamment clairsemé pour que l'on puisse bientôt y inaugurer la première clairière".
Heureusement pour l'Université de Mons-Hainaut, ce parc ne fut pas inauguré en 1945 car, actuellement avec ses quelque 2000 arbres, il ne nous laisserait plus guère de place pour poursuivre le développement de l'Université...
Et je suis au regret de devoir bientôt assister à la plantation de nouveaux arbres.
Sensibiliser la Société par une information historique, objective et critique est un objectifs à poursuivre par le monde scientifique.
En cette année de commémoration du cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, l'Association des Etudiants pour la Prévention de la Guerre Nucléaire a multiplié ses manifestations. Aujourd'hui vous êtes réunis pour ce colloque et cette exposition "Hiroshima sans amour".. Cinquante ans après, l'Histoire parle par la voix de scientifiques interdisciplinaires. Je souhaite que sa parole soit enfin entendue.
A. LANDERCY
Recteur de l'Université de Mons-Hainaut