Ce colloque international organisé à l'Université de Mons-Hainaut par le comité national de la commémoration du 50e anniversaire de la fin de la 2ème guerre mondiale a connu un franc succès tant par la qualité des communications que par celle de son public en provenance des milieux diplomatique, politique, académique et associatif.
Le professeur A. Landercy, recteur de l'Université, a ouvert le Colloque en rappelant les immenses progrès des sciences au cours du XXeme siècle mais aussi les énormes dangers de la course aux armements qui mobilisent les ressources budgétaires au détriment de la recherche qui doit se contenter des miettes du gâteau. Il a stigmatisé le danger des essais nucléaires pour l'avenir de la planète et de la société. Le recteur a également rappelé que l'Université de Mons-Hainaut était à dimensions humaines et qu'elle avait soutenu l'Association des Etudiants pour la Prévention de la Guerre Nucléaire. [exposition sur les essais nucléaires ainsi que la création et l'inauguration du parc Hibakusha lors d'un colloque consacré au désarmement en 1990. Il a souhaité que le Colloque et [exposition «Hiroshima sans amour» puissent sensibiliser la société aux dangers d'une reprise de la course aux armements. Selon monsieur Landercy, la communication interdisciplinaire entre scientifiques, médecins, historiens et artistes devrait permettre d'atteindre ce but auquel le monde aspire.
Le professeur P. Piérart a introduit le Colloque par un exposé synthétique sur «Les conséquences de Hiroshima et de Nagasaki sur le plan politique et environnemental». Selon le professeur P. Piérart. il est indispensable de démystifier la légende de Hiroshima et Nagasaki, répandue dans les manuels et par les médias, et selon laquelle les deux bombardements ont évité la perte de 500.000 à un million de militaires américains. Cette notion est toujours ancrée dans l'esprit de la majorité du public qu'il soit averti ou non. Il est également nécessaire de battre en brèche le dogme de la dissuasion nucléaire présentée comme la panacée universelle devant nous apporter la paix. Pour monsieur Piérart qui reprend les thèses d'Alperovitz et d'autres historiens américains les raisons qui ont provoqué la tragédie de Hiroshima et Nagasaki sont les suivantes : 1) il fallait utiliser à titre de vengeance et d'expérimentation les 2 ou 3 bombes disponibles qui avaient coûté des sommes fabuleuses, 2) il fallait empêcher l'expansion de l'Armée rouge en Mandchourie et en Corée, 3) il fallait se servir de la bombe sur le plan diplomatique.
La bombe allait catalyser la guerre froide dès la conférence de Potsdam malgré la bonne volonté de l'URSS entre 1945 et 1947. Les séquelles de la guerre froide, confortée par l'hégémonie nucléaire, furent dramatiques : guerres de Corée et du Vietnam, radiocontamination de régions entières, des centaines de milliers de cancers induits, des expériences sur des cobayes humains comparables à celles réalisées par les nazis...
L'exposé du docteur W. Lanouette de Washington fut suivi par un public très attentif. Il portait principalement sur le thème des scientifiques, des hommes politiques et de la bombe. En fait le docteur Lanouette, auteur d'un livre remarquable sur Léo Szillard paru en 1994, a rappelé le rôle très important joué par ce physicien hongrois né à Budapest en 1892 et réfugié à Londres en 1933 après la prise du pouvoir en Allemagne par les nazis. Szillard imagina le concept de la réaction en chaîne dès 1934 et fit breveter son idée qu'il confia à l'amirauté britannique en prévention d'une utilisation par les Nazis. C'est Szillard qui rédigea à NewYork en 1939 la fameuse lettre signée par A. Einstein et adressée au président F. Roosevelt. En 1940, Szillard fut l'auteur d'une deuxième lettre, toujours signée par Einstein et adressée au président américain en vue d'accélérer les recherches atomiques. Ecarté par le Général Groves du projet Manhattan proprement dit, Szillard rédigera une troisième lettre en mars 1945 signée par Einstein et demandant une entrevue avec le Président en vue de résoudre les questions relatives au contrôle international de l'énergie nucléaire après la guerre. La mort du président Roosevelt devait entraîner celle de la troisième lettre. Les effort de Szillard auprès du président Truman et du futur secrétaire d'Etat Byrnes en vue de ne pas utiliser la bombe comme arme offensive furent vains. Szillard qui était en faveur d'une démonstration de la bombe en un lieu désert ne fut pas écouté ni par les politiciens, ni par les militaires, ni même par certains scientifiques. Le rapport de James Franck, toujours rédigé par Szillard, fut rejeté parce que impraticable selon plusieurs scientifiques comme Oppenheimer, Compton, Fermi et Lawrence.
Après ces trois tentatives, Szillard adressera encore une pétition au Président Truman (156 signatures de scientifiques), le document fut retardé pendant deux semaines par Groves et finalement neutralisé. Pour l'Historien Lanouette la bombe d'Hiroshima a été utilisée pour rendre les Soviétiques moins revendicatifs suite à l'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon le 8 août 1945. Une deuxième raison invoquée est le prix énorme de la bombe qui poussait les responsables du projet Manhattan à l'utiliser le plus vite possible. La troisième raison était la justification politique toujours liée au prix énorme investi dans le projet. Enfin le quatrième élément était la riposte à Pearl Harbor et aux atrocités japonaises ainsi que l'épargne de vies américaines. En guise de conclusion le Docteur Lanouette nous rappela que James Franck et 64 scientifiques de Chicago signèrent une pétition pour demander au Président Truman de partager le secret atomique avec la communauté internationale. L'engagement de Szillard et des scientifiques de l'atome s'est également manifesté par la création du célèbre «Bulletin of the Atomic Scientists», mensuel dont le logo est représenté par «l'horloge de la fin du monde» dont l'aiguille indique les dernières minutes avant l'holocauste nucléaire.
Plusieurs questions furent posées au conférencier par messieurs Firket, Piérart, Gotovitch et Lacroix. Pour W. Lanouette la bombe n'était pas nécessaire sur le plan militaire, mais il fallait absolument utiliser une arme aussi coûteuse, Groves fit avancer le bombardement car il craignait que la capitulation n'arrive trop tôt. Pour de nombreux Américains la bombe se justifiait pour éviter des pertes de soldats, même dans l'hypothèse d'un nombre très réduit de morts, tant le désir de venger Pearl Harbor était grand. Le conférencier, suite à une dernière question sur les essais nucléaires français, estime que l'opinion internationale est de plus en plus exaspérée non seulement contre les essais mais aussi contre l'armement nucléaire. En conclusion il pense qu'il faut condamner les essais nucléaires français effectués en Polynésie.
Dans son exposé le professeur J. Rotblat, qui a travaillé au projet Manhattan et l'a quitté en 1945 et qui est un des fondateurs des Conférences Pugwash créées en 1957 a rappelé quelques grandes vérités des 50 années de lutte menées par les scientifiques pour l'abolition des armes nucléaires.
Pour J. Rotblat, la décision de larguer la bombe était politique et non militaire. La tragédie fut déterminée par la simultanéité de la découverte de la réaction en chaîne et de la deuxième guerre mondiale. Le concept de la dissuasion nucléaire est né en septembre 1939 avec l'envahissement de la Pologne par l'Allemagne. Il consiste à posséder la bombe et à ne pas l'utiliser tout en menaçant son ennemi de l'employer en cas de nécessité. La dissuasion est devenue une malhonnêteté dès 1945 puisque la bombe qui devait dissuader les Allemands était devenue une arme offensive soi-disant dirigée contre les Japonais mais en réalité contre les Russes.
Le professeur Rotblat a rappelé le plan de dénucléarisation de Gorbatchev et que seul un monde dénucléarisé pouvait assumer la stabilité. Pour Rotblat la course aux armements conduit inexorablement à l'holocauste nucléaire. La GrandeBretagne et la France recherchent le prestige avant tout. Pour la Russie l'arme nucléaire constitue le dernier élément de son poids politique. Il n'y a aucune raison valable pour justifier le maintien d'un arsenal mondial de 50.000 têtes nucléaires.
Le professeur Rotblat propose un système de vérification impliquant la totalité de la société et tous les Etats de la communauté internationale en vue de l'abolition définitive des armes nucléaires.
Le professeur N. Lubelski, spécialiste du mouvement pacifiste en Belgique a retracé l'histoire du mouvement antiatomique en Belgique en insistant spécialement sur l'impact considérable de l'appel de Stockholm. Le Conseil Mondial de la Paix (C.M.P.), organe coordinateur des mouvements de paix nationaux visa à rompre l'isolement de l'URSS en luttant contre la guerre froide et son catalyseur principal, l'arme atomique. L'Union belge pour la défense de la paix et son équivalent néerlandophone, affiliées au C.M.P., récolteront 300.000 à 400.000 signatures en faveur de l'Appel de Stockholm (1950). L'Union luttera contre le réarmement allemand, l'OTAN, le projet de Communauté Européenne de Défense et l'intervention occidentale dans la guerre de Corée.
Le comité du 8 mai, créé par la Ligue des Familles en novembre 1961, organisera chaque année une journée de la paix. Ce comité, soutenu par la hiérarchie catholique réclama l'arrêt des essais nucléaires, le règlement des différends internationaux par voie de négociation et un désarmement général. Ce comité du 8 mai qui connut un large succès disparaîtra en 1966. Le comité des marches antiatomiques, issu de la «Campaign for Nuclear Disarmament», fonctionnera entre 1960 et 1970. Il réunissait entre 4.000 et 15.000 personnes pour réclamer l'arrêt des essais, la non-prolifération et le non-équipement de l'armée belge en armes nucléaires. Au cours des discussions, madame Lubelski signale que les 500 millions de signatures récoltées par l'appel de Stockholm comprenaient de nombreuses signatures non communistes, l'URSS avait en effet fait exploser sa première bombe en 1949. Le succès de l'appel de Stockholm était également lié à la question du réarmement allemand et aux tensions internationales (guerre de Corée).
Selon une méthodologie inspirée de l'art de guérir, le professeur Behar s'est fixé un objectif utopique à savoir faire abolir l'arme nucléaire pour l'an 2000. Il établit selon une chaîne logique la relation entre la violence sociale de plus en plus généralisée au Sud comme au Nord et la menace d'un conflit généralisé et nucléaire. Rappelons cette escalade ou pyramide : violence sociale - conflits ethniques - terrorisme - guerres civiles - guerres régionales - menace de guerre nucléaire.
Les difficultés économiques actuelles qui engendrent la violence constituent le terreau de la pathologie quotidienne de nombreux pays. Behar avec beaucoup de conviction lui oppose une logique abolitionniste de l'arme nucléaire, sorte de désescalade, et compare cette démarche à celle qui a prévalut lors des campagnes antiesclavagistes. L'abolition de l'esclavage décrété officiellement par les Etats-Unis d'Amérique en 1865 ne sera acquis qu'au début du XXeme siècle et ce n'est que le 15 février 1995 que le dernier Etat, le Mississippi, renoncera définitivement à l'esclavage. La même logique doit être appliquée aujourd'hui à l'arme nucléaire et une très longue éducation sera nécessaire pour modifier l'opinion publique conditionnée par la dissuasion.
Le fléau nucléaire ne va pas disparaître immédiatement. Une stratégie basée sur l'isolement des zones touchées par le mal et leur éradication progressive conduira à la victoire finale c'est-à-dire sa disparition globale comme pour la variole.
En ce qui concerne les essais nucléaires les gouvernements, selon Behar, ne pourront faire l'économie de la désapprobation universelle exprimée par 170 pays y compris le peuple et les médecins chinois. Chirac devra reculer devant cette situation nouvelle et devra même prendre en compte l'article VI du T.N.P. c'est-à-dire envisager l'abolition de l'arme nucléaire. L'enjeu se situe en Europe devant ce fait politique nouveau, il est donc nécessaire de faire un pas supplémentaire pour réclamer l'élimination des armes nucléaires et des stocks de matières fissiles par l'ensemble des populations. Dans la compagne abolitionniste il faudra apporter des informations précises en tenant compte de la nouvelle pathologie apparue à Tchernobyl. Il faudra également tenir compte du bouleversement sociologique catastrophique créé en Polynésie où 82% des ressources sont consacrées au centre d'expérimentation du Pacifique. Il faudra réfléchir aux assainissements indispensable à apporter aux Polynésiens.
Le professeur Behar termina son allocution sur l'énorme effort pédagogique à fournir aux citoyens pour les convaincre de la nécessité d'appliquer l'article VI du T.N.P. qui doit conduire au refus universel de l'arme atomique.
Au cours de la discussion qui suivit sa conférence le professeur Behar a insisté sur un traité pour l'interdiction de produire, transporter et vendre du plutonium. Il a réfuté l'argument selon lequel le plutonium militaire pouvait être utilisé dans le Mox, ce dernier étant alimenté par du plutonium civil. Aux remarques pessimistes de P. Piérart qui craint que le traité de 1996 permette des simulations A. Behar pense que ces dernières sont loin d'être au point. Ce qu'il faut craindre, pour Behar, ce sont les simulations basées sur les miniexplosions.
A une question formulée par le professeur N. Lubelski sur l'abolition de l'esclavage en liaison avec l'introduction du machinisme le professeur Behar a renchéri son modèle abolitionniste en soulignant l'intérêt de la disparition de l'arme atomique et des produits fissiles dans le cadre de l'économie et du développement.
Monsieur L. Van Geyt a rappelé l'impact de l'Appel de Stockholm et des mouvements de paix sur les Etats-Unis et en particulier le voyage de Atlee auprès de Truman pour éviter une guerre nucléaire en Corée. Monsieur Van Geyt s'est également inquiété des risques de l'européanisation de la force de frappe française et britannique.
Le professeur J. Laptos de Cracovie nous a décrit la lutte pour le désarmement nucléaire telle qu'elle a été diffusée par les médias en Pologne. Hiroshima et Nagasaki ont été quelque peu occultés par l'URSS au profit de l'entrée en guerre de l'Armée rouge en Mandchourie le 8 août 1945, la tragédie sera mieux évoquée vers la fin des années 50. Plus tard le plan Rapatski (1957) présenté aux Nations-Unies devait envisager une zone dénucléarisée en Europe centrale qui s'inscrivait dans la campagne menée par le bloc de Varsovie en faveur de l'abolition de l'armement nucléaire.
Au cours de la discussion il fut rappelé que la censure politique de l'Est correspondait à celle qui sévissait à l'Ouest. L'Appel de Stockholm (1950), auquel répondirent des centaines de millions de signatures surtout à l'Est mais aussi à l'Ouest, s'explique en partie par les tensions de la guerre froide et spécialement par le réarmement de l'Allemagne. Selon les circonstances la propagande polonaise pouvait correspondre à celle de l'URSS comme c'était notamment le cas pour la question de la frontière occidentale. Actuellement le mouvement pacifiste polonais semble être quelque peu en sommeil.
La communication du professeur A. Lacroix-Riz de Toulouse concernait la France et l'hégémonie atomique américaine des années 1945 à 1950. Dès 1946; une «guerre préventive contre les Soviets» fut mise au point par les stratèges américains et certains savants comme C. Urey. Les pays membres de l'ONU furent même invités à mettre en cause, sous le couvert du contrôle nucléaire international, le droit de veto que les Soviétiques avaient obtenu de Roosevelt et que les Britanniques et les Français ne voulaient pas abandonner.
La Grande-Bretagne et le Canada dans leur empressement à emboîter le pas aux Américains pour dénoncer l'espionnage atomique ont subi l'inverse de l'effet escompté. Ils ont été écartés de la recherche atomique américaine. Le professeur Lacroix nous a présenté trois exemples démontrant comment la Grande-Bretagne, le Canada et la Belgique ont été éloignés des centres de recherches atomiques américains. Les procès à grand spectacle montés par les Anglais et les Canadiens contre les espions y ont fortement contribués. Vis-à-vis des Français, les Américains les ont tranquillisés en déclarant que leur bombe atomique pouvait garantir la sécurité aussi bien vis-à-vis des Allemands que des Russes. Le cas Joliot-Curie, dont l'entrée aux Etats-Unis a été refusée en 1946, illustre bien les tensions entre Paris et Washington. Enfin les Etats-Unis ont mis la main sur l'uranium du Congo-belge au point que des pays comme la Suisse ou la Belgique ne pouvaient en disposer. Les accords secrets passés en 1942 entre Belges et Américains au sujet de l'uranium ont été brièvement évoqués. Au cours de la discussion il est apparu que les diplomates et politiques considéraient les armes atomiques un peu sur le même pied que les armes conventionnelles. En ce qui concerne les procès d'espionnage il faut rappeler la condamnation du docteur May, maître de conférence à Oxford, qui écopera de 10 ans d'emprisonnement ce qui provoquera un énorme scandale dans les milieux scientifiques anglais.
Le professeur Van Den Wyngaert nous a entretenu de la panique qui régnait aux Etats-Unis entre 1954 et 1961 à propos de leur retard prétendu en matière d'armement nucléaire. Après la mort de Staline, l'URSS admit en 1954 la doctrine Eisenhower en matière de dissuasion réciproque. A ce moment Moscou proposa l'interdiction d'utiliser l'arme nucléaire dans le cadre d'une coopération entre le capitalisme et l'économie d'Etat. Cette proposition fut refusée. Khroutchev en raison de la course aux armements, ne parvint pas à réaliser son plan économique. De 1954 à 1957, l'Amérique a connu la panique du bomber-gap en raison d'une surestimation des forces aériennes soviétiques. Une deuxième panique sévit aux Etats-Unis avec le missile-gap qui fut néanmoins atténuée pour des raisons technologiques (les Américains ayant des têtes nucléaires moins lourdes). La vraie panique déferla avec le lancement du Spoutnik en octobre 1957 malgré la lucidité d'Eisenhower. La panique fut néanmoins entretenue par les lobbies, la CIA et les services de renseignement de la force aérienne. Kennedy utilisa le même mythe dans sa campagne électorale de 1960. Il allait par une nouvelle escalade doubler la capacité de destruction de la force de frappe américaine. Anne Morelli a rappelé que la surestimation des forces de l'adversaire faisait partie de la campagne des lobbies militaro-industriels pour garnir les carnets de commande.
L'exposé de Lionel Changeur résumait une étude sur les échos de la presse belge francophone relatifs à la bombe d'Hiroshima endéans les quatre mois qui suivirent l'explosion. Monsieur Changeur a passé en revue et a critiqué les thèmes examinés par les journalistes. Il a souligné les difficultés rencontrées par la presse qui ne disposait que de très peu d'information mis à part les discours officiels. La presse, en général, se faisait l'écho du discours manichéen de Truman. Le rôle militaire de la bombe mettant fin à la guerre a été diffusé sans vergogne et la mise en accusation de ce crime de guerre a été presque totalement ignoré, l'information américaine minimisant les pertes civiles et ignorant volontairement l'impact des radiations. Monsieur Changeur a insisté sur la double censure exercée par le grand quartier général de l'armée impériale et par l'occupant américain chargés de censurer non seulement les médias mais aussi les publications scientifiques et les oeuvres artistiques. Cette double censure n'a pas facilité la tâche de la presse!
Laurence Mettewie, philologue germanique, nous a fait découvrir les richesses de la littérature néerlandaise concernant Hiroshima. La bombe a inspiré nombre d'artistes plasticiens et d'écrivains dont les oeuvres ont été reproduites dans la revue littéraire Kruispunt (Carrefour). Dans les années cinquante-soixante, les oeuvres ont pour but de conscientiser et mobiliser les gens vis-à-vis de ce type d'armement dont on a révélé peu de choses. Les oeuvres évoquent souvent le sentiment de culpabilité des auteurs projetés sur les acteurs du drame.
Dans les années septante, l'engagement littéraire sera dirigé contre l'armement nucléaire mais aussi contre l'utilisation civile de ce type d'énergie. Des oeuvres comme «Het gevaar» de Jos Van de Loo publié en 1960 et traduit en 11 langues et de «Bloed, Een Atoomroman» de Roel Van Duyn auront un profond retentissement. L'homme aveugle de Hugo Klaus a également connu un grand succès.
Aujourd'hui encore les poètes flamands se sont réunis à Bruges pour commémorer le cinquantième anniversaire de la tragédie d'Hiroshima.
Au cours de la discussion il fut constaté que la presse de droite ou de gauche en Belgique était très uniforme sur la question d'Hiroshima. Aucune différence n'apparaît en fonction des idéologies sauf peut-être dans les récriminations adressées au gouvernement concernant les accords de Londres sur les fournitures d'uranium.
Le film «Reddition du Japon» de A. Wajnber et P. Lorsignol fut présenté et discuté. Plusieurs critiques furent formulées à l'égard du film, notamment les 300.000 vies de soldats américains épargnées. Le mélange des images d'archives avec celles de fiction fut également regretté.
Selon madame Lacroix qui a consulté les archives françaises, il apparaît que Sanguier n'était pas le seul acteur du marché de l'uranium. Madame Lacroix nous signala que Pierlot était allé plusieurs fois à Washington et que l'accord de 1942 sur l'uranium concernait donc aussi le gouvernement belge. Selon les auteurs du film ce serait plutôt les Américains et les Anglais qui auraient informé le gouvernement belge du marché passé entre les Etats-Unis et l'Union minière.
Le colloque se termina par un bref bilan de cette rencontre interdisciplinaire entre historiens et scientifiques et, à la satisfaction de tous les participants, par une visite de l'exposition sur Hiroshima et Nagasaki présentée dans le forum des Grands auditoires de l'Université de Mons-Hainaut.
Nous félicitons de tout coeur le professeur J. Rotblat pour le prix Nobel de la paix qui vient de lui être attribué ainsi qu'à l'association Pugwash pour les récompenser de 50 années d'efforts soutenus pour convaincre le monde du danger de la dissuasion nucléaire.
Compte-rendu par Pierre PIERART